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Aussi loin que je me souvienne...

Depuis aussi loin que je me souvienne, j’aime les histoires.

 

Ce goût m’a conduit vers l’Histoire, grâce aux manuels de l’école primaire des années 60 qui nous entraînaient dans ces tentatives de reconstitution de la vie quotidienne des Gaulois et autres Vikings.

 

Les illustrations étaient sommaires et l’auteur concédait quelques incursions dans les biographies stéréotypées de ces héros qui ont fait la France : Vercingétorix, ce noble perdant, Jeanne d’Arc, cette fille du peuple qui remet son roi sur le trône ou bien ce jeune révolutionnaire de 15 ans qui sera assassiné par ces Vendéens obtus pour avoir clamé avec défi : « vive la République, à bas le Roi ».   

 

Vers l’âge de 14 ans, j’ai accompagné les premiers pas de ma mère dans la généalogie, à travers les registres paroissiaux de la petite mairie du village natal de bon nombre de ses ancêtres.

 

Je crois que j’aimais à la fois l’enquête poursuivie et le déchiffrage de ces actes d’état civil, me prenant sans doute un peu pour Champollion qui a trouvé les clés pour décrypter un monde lointain d’histoires quotidiennes.

 

Si loin et si proche, à l’instar de ce que nous racontent les graffitis de Pompéi.

 

Les actes notariés ont permis ensuite d’entrevoir un peu plus les personnes cachées derrière ces lignées et ces dates et m’ont amené à chasser les singularités au-delà des formules très classiques que l’on y trouve. Cette quête permet parfois de glaner quelques pépites comme cette lettre de Paris d’un orfèvre à sa femme aux fins de l’autoriser à prendre un bail et dans laquelle il se répand sur ses déboires judiciaires.

 

A partir de ces éléments épars, je trouve passionnant d’échafauder et d’ajuster des hypothèses à partir des éléments rassemblés et confrontés avec la grande histoire, dans un constant va-et-vient.

 

Dans ce travail, certains détails initialement négligés prennent un sens particulier tandis que d’autres n’ont pas le relief qu’ils promettaient au départ.

 

Ces très modestes assemblages permettent de donner un peu de chair à ces noms et d’esquisser certaines histoires singulières. C’est ce que je me propose de faire très modestement dans ce blog, tenter d’éclairer des fragments de vie de mes ancêtres, à la lumière de la grande histoire.

 

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25 novembre 2018 7 25 /11 /novembre /2018 22:32

A Zaza à qui j'ai souvent pensé en parcourant sur le web les routes de son pays natal et les malheurs qui y ont semé les soldats de Napoléon.

Napoléon choisit le très prestigieux Masséna pour diriger la dernière tentative d'invasion, destinée à porter un coup décisif au sanctuaire que constituait le Portugal pour l'armée britannique, venue en soutien des troupes portugaises et espagnoles.

 

Il ne mesura pas alors combien cette armée formidable dotée de 65 000 hommes allait être mise à mal une nouvelle fois, non seulement par un ennemi désormais très organisé mais également par les jalousies et ressentiments des généraux Junot, Montbrun et Reynier et du maréchal Ney à l'encontre du commandant suprême de cette nouvelle armée.

 

C'est aussi à cette époque que s'acheva le parcours du soldat Brianceau dans les terres ibériques.

 

La dernière tentative échoue également

 

Masséna prit son commandement à Salamanque en mai 1810. Son armée était constituée des 2ème, 6ème et 8ème corps d'armée.

 

Le premier écueil fut rencontré en Espagne. Ciudad Rodrigo constituant un point stratégique était naturellement défendue par une garnison importante. Il fallut 41 jours pour en venir à bout. La progression fut lente jusqu'à la position stratégique de la ville portugaise d'Almeida qui nécessita un nouveau siège du 15 au 28 aout 1810. Cette fois-ci, la chance sourit aux Français puisque des bombardements firent sauter un dépôt de poudre qui causa de nombreux morts civils et militaires à l'intérieur de la place. L'enceinte n'était pas endommagée mais la confusion due à cette explosion permit aux assiégeants de prendre l'avantage. La capitulation fut proposée puis d'abord refusée avant d'être acceptée. La prise d'Almeida constitua une aubaine car elle contenait des réserves très importantes de nourriture constituées dans la perspective du siège.

 

L'armée française pénétrait dans un territoire déserté par ses habitants marchant vers l'ouest sur la rive droite du Mondego, en direction de Coïmbra. En effet, l'armée anglo-portugaise avait verrouillé l'accès le plus facile vers Lisbonne en tenant des positions stratégiques le long de la rivière Alva.

 

Les différents corps d'armée français se retrouvèrent à Viseu le 21 septembre.

 

La première bataille importante eut lieu à Buçaco le 27 septembre 1810. Cette position stratégique sur la route de Coïmbra est formé d'un long plateau d'environ 100 mètres de hauteur qui surplombe une plaine. Sur le plateau l'armée anglo-portugaise forte de 50 000 hommes barrait la route à l'armée impériale positionnée dans la plaine. L'accès au plateau était défendu par deux routes qui rejoignent le plateau et se prolongent vers Coïmbra, l'un par la route de Buçaco au nord, le second plus au sud. Les forces anglo-portugaise avaient déployé une artillerie conséquente

 

N'étant pas à même de discerner l'importance des troupes ennemies et de la puissance de leur position, Masséna décida d'engager le combat en menant l'offensive principale par la route de Buçaco qui était gardée par trois détachements déployés depuis le milieu de la montagne jusqu'à son sommet, l'autre attaque étant conçue pour prendre d'assaut le plateau par l'autre route. Un premier assaut qui conduisit 5000 soldats au sommet de la crête fut repoussé par une armée puissante qui semblait indélogeable. Quatre autres assauts s'ensuivirent sans succès.

 

Dans la nuit du 28 septembre, l'armée française contourna le plateau par le nord, suivant une route non gardée par les forces alliées en direction de Coïmbra. Le 29 septembre, le plateau fut dépassé, la troupe devait progresser lentement, emmenant avec elle les nombreux blessés lors de la bataille. Pendant ce temps là, les forces anglo-portugaises opéraient un mouvement inverse de retrait par le sud du plateau, dans la perspective de se replier derrière les lignes de Torres Vedras qui avaient été fortifiées pour constituer un barrage protégeant Lisbonne. Fidèle à sa stratégie de la terre brûlée, il emmena dans sa retraite la population civile pour qu'elle trouve refuge derrière la ligne soit près de 300 000 personnes.

 

 

La bataille de Buçaco

La bataille de Buçaco

Les troupes françaises arrivèrent le 1er octobre dans Coïmbra, désertée par ses habitants[1] et les troupes alliées qui l'occupaient, Wellington leur ayant ordonné de se retirer vers le sud, en même temps que l'ensemble de son armée. La ville fut littéralement mise à sac par l'armée française sans que les débordements des soldats comme des officiers aient pu être maîtrisés. Les très nombreux malades et blessés furent installés dans le couvent de Santa Clara a Nova, converti pour l'occasion en hôpital militaire.

 

Le 4 octobre 1810, Masséna ordonna le départ de l'armée pour le sud afin rallier Lisbonne, laissant derrière lui les nombreux blessés de la bataille Buçaco et uniquement une petite garnison d'environ 200 soldats valides.

 

Cette dernière campagne n'atteignit jamais Lisbonne. La ville était défendue par la ligne naturelle de Torres Vedras, des montagnes qui s'étendent de la mer au Tage sur environ 60 kms. L'armée française s'y cassa les dents dans une configuration à peu près similaire à celle qui signa son échec au pied du plateau à Buçaco. En découvrant cet obstacle naturel qui avait été renforcé fortifié à de nombreux endroits, Masséna n'aurait pu  s'empêcher de s'exclamer devant des généraux comme Junot ou Loison qui connaissaient parfaitement le terrain pour l'avoir parcouru en 1807 : "Et ces montagnes ? est ce aussi Wellington qui les a construit ?".

 

Après deux tentatives infructueuses de franchissement à Sobral, l'armée française se retira sur Santarem dans un pays déserté et sans ressources. La retraite devint inéluctable et en mars 1811, les troupes françaises quittèrent une dernière fois le Portugal.

 

[1] Il était fait obligation aux populations civiles de fuir les territoires envahis selon la politique de la terre brûlée de l'armée anglo-portugaise.

gravure de la ville de Coïmbra

gravure de la ville de Coïmbra

 

Prisonnier des Anglais

 

Mais revenons à Louis Brianceau. Abandonné par l'armée le 4 octobre à Coïmbra avec ses camarades, pour l'écrasante majorité malades ou blessés.

 

Le 7 octobre 1810, le lieutenant colonel Nicholas Trant prit d'assaut la ville avec un détachement important d'environ 4000 soldats. A partir de là, les versions divergent.

 

La version héroïque relatée dans "Victoires, conquêtes, désastres, revers et guerres civiles des Français de 1792 à 1815" (tome 20), précise que la garnison française[1] défendit la place, avec l'ardeur du désespoir, sachant que de toute façon la défaite les conduirait avec leurs camarades blessés à une mort certaine. Retranchés dans le couvent, ils continuèrent à le combat avec ceux des blessés pouvant combattre à leurs côtés, jusqu'à l'acceptation de la capitulation proposée par Trant, étonné de tant de résistance.

 

Dans une lettre que Nicholas Trant adressa au Maréchal Beresford pour expliquer les évènements du 7 octobre, il précisa que son entrée dans la ville avec des troupes portugaises de Coïmbra donna lieu à des échanges de coups de feu, mais d'une faible résistance d'au plus une heure. La garnison française demanda la capitulation qui lui fut accordée avec la garantie de Trant qu'il les protégerait contre les troupes portugaises, hors d'elles à cause du pillage et des exactions commises par l'armée française. Finalement, seuls 7 à 8 soldats ne purent échapper à la vindicte des forces portugaises. Nicholas Trant évalua le nombre de prisonniers à environ 5000 dont à peu près 80 officiers mais il précisait le chiffre être approximatif[2].

 

Il déclara avoir assuré le lendemain l'escorte de l'essentiel des prisonniers à Porto, afin d'éviter qu'ils soient massacrés en route. Selon a "history of the Peninsular war" de Charles Oman ce convoi était composé de 3507 malades et blessés, 400 soldats valides et quelques centaines de personnes relevant de l'intendance de l'armée. A leur arrivée à Porto, les soldats français quel que soit leur état, furent exhibés à l'occasion d'une parade qui s'étala sur trois jours ce qui fut reproché à Trant par certains officiers français. Dans "Victoires, conquêtes, désastres, revers et guerres civiles des Français de 1792 à 1815", Nicholas Trant aurait répondu avec ironie et morgue à un officier français qui s'insurgeait de cette parade, que "tous les moyens étaient bons pour exciter et entretenir l'enthousiasme du peuple".

 

En réalité, il semble bien que Nicholas Trant se soit employé à protéger les soldats prisonniers. On trouve un témoignage de reconnaissance d'officiers français adressé à Trant au moment où il quitta son poste de gouverneur de Porto. Également, la fille de Trant, Clarissa, précise que lors d'un séjour à Paris avec son père en 1817, il aurait été reconnu par un ancien officier qui s'était trouvé prisonnier à Coimbra et remercié pour sa conduite exemplaire.

 

Louis Brianceau a dû faire partie des malades ou des blessés, avant d'être convoyé à Porto, ville importante reliée à la mer dans laquelle il était probablement apparu plus simple de loger un nombre aussi impressionnant de prisonniers.

 

 Ils furent cantonnés un temps dans la ville avant que leur évacuation vers l'Angleterre ait été organisée. En effet, au 19ème siècle, l'approche quant au sort fait aux prisonniers de guerre change progressivement et l'emprisonnement se généralise. Les Britanniques privilégièrent l'incarcération au Royaume-Uni pour des raisons tenant à la difficulté de les garder sur place au Portugal, compte-tenu des coûts d'entretien dans un pays dévasté. C'est pour ces mêmes raisons que les accords d'échange avec l'armée ennemie furent d'abord préférés afin de limiter le nombre de personnes à convoyer[3].

 

Le 26 octobre 1810, Wellington écrivit à l'amiral Berkeley qu'il devait mettre à disposition des navires afin d'évacuer 3800 prisonniers français[4], suite à la demande du lieutenant colonel Trant. Il s'agit très certainement du contingent de prisonniers dont il est question ici.

 

Je n'ai pas trouvé exactement quand ce transport put être opéré. Il est possible que finalement ces personnes aient transité d'abord par Lisbonne avant de repartir vers le Royaume-Uni. Là-bas, il aurait été emprisonné soit sur un bateau-prison soit dans une prison du sud de l'Angleterre telle que Porchester Castle qui accueillit en 1810 des prisonniers en provenance du Portugal ou d'Espagne, ou encore la prison de Dartmoor.

 

Le 22 mai 1814, après presque 4 ans de captivité, le soldat Louis Brianceau revenait en France.

 

[1] Selon le lieutenant colonel Trant, cette garnison ne comptait que 200 soldats tandis que dans l'ouvrage précité, elle en aurait compté 500.

[2] ses hommes comptèrent la prise de 3500 fusils

[3] Paul Chamberlain "The release of prisoners of war from Britain in 1813 and 1814". Le même article signale que plus de 43 000 prisonniers du camp napoléonien étaient détenus au Royaume Uni en 1810 (toutes nationalités confondues).

[4] Dans "The dispatches of Field Marshall the Duke of Wellington, KG during his campaigns etc". On notera le chiffre plus précis de 3800 prisonniers. Il demande également que 6 des 12 chirurgiens français à Lisbonne puissent rejoindre Porto pour soigner les blessés. les échanges montrent qu'entre les demandes de l'armée de terre et les possibilités (ou la volonté?) de la marine, il y avait quelques divergences de point de vue ...

 

Les prisonniers de guerre (Jacques de Lalaing - 1883)

Les prisonniers de guerre (Jacques de Lalaing - 1883)

Et après ?

 

Est-ce qu'après cette vie de combats, le soldat Brianceau "est retourné, plein d'usage et raison, vivre entre ses parents le reste de son âge" raccrochant son fusil et sa baillonnette ?

 

Son dossier militaire prouve le contraire. Le 16 septembre 1814, il fut incorporé au 69ème régiment d'infanterie et passa du service de l'Empire à celui de la Restauration.

 

Puis à nouveau aux ordres de l'Empereur échappé de l'Ile d'Elbe. Le 20 mars 1815, Napoléon revint au pouvoir et le soldat Brianceau fut nommé caporal le 6 mai. Napoléon avait certainement besoin de ces soldats chevronnés qui avaient défendu sans faillir la République, le Consulat puis l'Empire, dans la perspective des batailles à venir et notamment de la dernière d'entre elles à Waterloo. Louis Brianceau survécut à ces dernières épreuves et ne rentra en Vendée que le 21 septembre 1815, "par suite de son licenciement".

 

Sa constance dans "la carrière" comme le dit si bien l'hymne national s'explique selon moi.

 

La vie qu'il avait choisi puis dans laquelle il fut ensuite entraîné, cette vie dure, il n'en connaissait pas d'autres ; aucune d'aussi bonne et aventureuse aurait-il peut-être pu songer.

 

Il avait combattu en Vendée, en Bretagne, puis sous le soleil de l'Italie comme dans les rigueurs du nord et de l'Allemagne. Il avait ensuite connu la faim dans la péninsule ibérique, la peur des guérillas - si particulières pour les habitués des champs de bataille classiques - et de la violence qu'elles suscitent, avec des exactions de toute sorte et des pillages auxquels il participa très certainement.

 

Mais ce long parcours de vie passé à pied sur les routes et les champs de bataille d'Europe, il le fit avec d'autres soldats avec lesquels il partagea tout; la joie, l'altruisme, la sauvagerie, les angoisses ou la peur et l'esprit de sacrifice.

 

Dans l'ouvrage "Guerre, être soldat en Afghanistan" pour la rédaction duquel son auteur, Sebastian Junger, s'est immergé dans le conflit afghan, celui-ci décrit parfaitement ce que vivent les hommes dans la guerre. Cette expérience humaine qui transcende les époques et les cultures.

Plus que l’amitié ou la fraternité, c’est l’amour qui lie les hommes du peloton. Ce mot s’impose. Chacun est prêt à risquer sa vie pour n’importe quel autre. Quelle meilleure définition de l’amour ? Donner sa vie pour que l’autre puisse garder la sienne. « Je me jetterais sans hésiter sur une grenade pour eux, m’a dit un gars. N’importe lequel d’entre eux le ferait pour moi. » Et c’était vrai. Ce n’est pas une règle implicite de l’armée. On ne donne pas sa vie pour suivre une règle. Et ce n’est pas l’armée qui peut créer l’amour. Ce sont les circonstances. Le brouillard du combat obscurcit votre destin - on ne sait pas où et quand on va mourir - et de cette interrogation naît un lien désespéré entre les hommes. Ce lien constitue le cœur même de l’expérience du combat et la seule chose sur lequel on peut absolument compter. L’armée peut vous rouler, votre girl-friend vous plaquer et l’ennemi vous tuer, mais l’engagement qui veut que chacun protège la vie des autres n’est pas négociable. Même les religions ne parviennent pas à inspirer un tel amour et cet esprit de sacrifice. C’est ce qui pousse à se surpasser, bien plus que l’instinct de conservation ou un quelconque idéalisme. Le courage est bel et bien de l’amour. Dans la guerre, l’un ne peut exister sans l’autre.[...]

Guerre. être soldat en Afghanistan de Sébastian Junger - le Monde Magazine du 19/2/2011

Assaut mené en avril 1915 sur le front du nord

Assaut mené en avril 1915 sur le front du nord

De retour en Vendée, il recommença tout à zéro puisqu'il fut domestique dans une ferme à 40 ans révolus et non le métayer qu'il aurait pu être au même âge.

 

Il se maria en juillet 1816 avec Marie Merceron, se liant avec une famille que je suppose avoir eu les mêmes affinités politiques que lui-même, devenues à ce moment là très minoritaires.

 

Napoléon parti et la Restauration établie, les notables du village, - napoléoniens d'hier -, sentirent le besoin de changer leur fusil d'épaule. Ainsi, l'accueil au retour par les autorités et la population manqua très certainement de fanfare et de faste.

 

A ce décalage de point de vue, il faut ajouter celui qui devait apparaître entre ces soldats démobilisés et leurs familles.

 

A priori, il n'y eut rien à voir ni à partager avec le frère ou la sœur qui avait travaillé à faire prospérer la métairie. D'ailleurs, ses fréquentations familiales semblent avoir été limitées à son beau-frère Jean Boissinot[1] et à la jeune sœur Marie Perrine. J'imagine qu'il eut bien des histoires à raconter à un auditoire limité et de plus en plus clairsemé.

 

Il mourut le 16 septembre 1823, seulement 8 ans après son retour, à 47 ans, peut-être dans les regrets de cette vie, pourtant faite de guerres.

 

[1] Il est le seul témoin familial à son mariage.

"La dernière chute de Napoléon"

"La dernière chute de Napoléon"

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25 novembre 2018 7 25 /11 /novembre /2018 14:55
Caricature de Gillray (tirée de Wikipedia) L'empereur et le William Pitt, le premier ministre anglais se partagent le monde. A l'un la terre et au second les océans

Caricature de Gillray (tirée de Wikipedia) L'empereur et le William Pitt, le premier ministre anglais se partagent le monde. A l'un la terre et au second les océans

 

C'est en 1807 que l'on retrouve le soldat Brianceau dans ses pérégrinations sur les champs de bataille de l'Empire. En février 1807, il fut promu grenadier.

 

Son régiment fut intégré d'abord au camp volant de Pontivy en mars 1807. Cinq mois plus tard, il fusionna avec le nouvellement créé "Corps d'observation de la Gironde", composé notamment par la dissolution des camps volants de Saint-Lô, de Pontivy.

 

Le 70ème régiment d'infanterie faisait partie de la première division de ce corps d'observation de la Gironde[1], sous le commandement du général de division Henri François Delaborde et les généraux de brigade Antoine François Brenier de Montmorand et Jean-Jacques Avril, un poitevin natif de Loudun.

 

A l'automne de la même année, l'ensemble des divisions du nouveau corps se mit en marche pour Bayonne. Le corps d'observation de la Gironde fut placé sous le commandement du général Junot, désormais à la tête de 25000 hommes. Ce corps devint officiellement l'armée du Portugal le 23 décembre 1807, un mois après l'invasion du territoire portugais.

 

Cette deuxième invasion[2] commençait et avec elle, une série de campagnes éprouvantes dans la péninsule ibérique qui contribuèrent très largement à la chute de l'Empire.

 

[1] avec les deux bataillons du 70e régiment d'infanterie de ligne, ce corps rassemblait le 2e bataillon du 47e régiment d'infanterie de ligne, des deux bataillons du 86e régiment d'infanterie de ligne, du 3e bataillon du 15e régiment d'infanterie de ligne et d'un bataillon du 4e régiment suisse

[2] La première datait de 1801 mais était le fait de l’armée espagnole, plus que de l’armée française.

 

En campagne dans l'armée du Portugal

 

L'alliance franco-espagnole pour faire respecter le blocus

 

A l'été 1807, Napoléon s'était débarrassé du danger prussien et russe et put consacrer son énergie à rendre efficace le blocus contre l'Angleterre qu'il avait décrété en 1806.

 

Un des points faibles du dispositif demeurait le Portugal qui partageait d'importants intérêts économiques avec l'Angleterre, en Europe mais surtout au Brésil. Si depuis 1801 avec le Traité de Badajoz, les ports portugais étaient censés être fermés aux navires anglais, il n'en était rien. La neutralité du royaume portugais était une posture face à son puissant voisin, aussi nécessaire que le commerce entre le Portugal et ses colonies et l'Angleterre.

 

Conscient des défaillances du blocus continental, Napoléon renouvela à l'égard du Portugal la manœuvre de 1801. A l'été 1807, la France et son allié espagnol adressèrent un ultimatum au Portugal, exigeant du prince régent Jean IV que le Portugal participât au blocus continental en fermant ses ports et déclarât la guerre à l'Angleterre. Il devait aussi confisquer les biens britanniques au Portugal et emprisonner tous ses ressortissants.

 

Le prince régent prit le parti de gagner du temps tandis que Napoléon préparant déjà l'invasion du Portugal, obtint du roi Charles IV le passage de l'armée française en Espagne pour conquérir le Portugal. Le 27 octobre 1807, le traité secret franco-espagnol de Fontainebleau qui constituait une déclaration de guerre au Portugal prévoyait un démantèlement du pays en trois, la partie centrale et stratégique devant être dévolue à la France afin de conduire à une application stricte du blocus.

 

 

La famille de Charles IV d'Espagne (Francisco Goya)

La famille de Charles IV d'Espagne (Francisco Goya)

 

La terrible marche

 

Partie de Bayonne le 17 octobre 1807, l'armée devait d'abord rejoindre Alcantara en Espagne, via Salamanque, Ciudad Rodrigo et Fuenteguinaldo pour fusionner avec les troupes espagnoles du général Caraffa, avant de marcher sur Lisbonne.

 

Cette armée effectua le trajet de Bayonne à Lisbonne dans un périple épuisant[1]. Bien que planifié, le ravitaillement aux étapes était insuffisant voire de très mauvaise qualité[2], soit par la mauvaise volonté ou l'hostilité des autorités locales ou encore l'impéritie des autorités espagnoles. Il en fut de même pour le couchage. Les marches s'effectuèrent sous la pluie ou la neige, laissant des soldats à l'hôpital à mesure que la colonne avançait.

 

Pénibles jusqu'à Salamanque, les conditions empirèrent jusqu'à Alcantara. Le ravitaillement attendu n'était pas présent aux étapes, la neige tombait, les routes à peine discernables en temps normal disparurent dans les intempéries. Arrivé en avance à Alcantara et constatant l'absence totale de ravitaillement, Junot réquisitionna des vivres et organisa un cantonnement afin que les troupes puissent prendre une journée de repos avant de reprendre la marche vers le Portugal.

 

Composé majoritairement de soldats chevronnés, le 70ème régiment d'infanterie faisait partie de l'avant garde et il quitta Alcantara le 19 novembre.

 

Très vite, ce fut une armée en lambeaux qui avança en territoire portugais. Les soldats furent confrontés à une pluie continue, des passages escarpés, la traversée de torrents en crue, l'absence de ravitaillement et de couchages décents. L'arrivée à Abrantès donna du répit aux troupes. Elles y arrivaient au compte gouttes, après une épreuve que le lieutenant général Paul Thiébault évoqua dans ses mémoires comme ""la marche la plus pénible et la plus affreuse que jamais une armée s'avançant pour combattre ait osé entreprendre".

 

Les troupes du général Delaborde arrivèrent à Abrantès le 24 novembre, peu après l'avant garde, après un bivouac d'une journée à San Domingo pour des troupes épuisées et souffrant de la faim. Ce sont des soldats quasiment tous nus-pieds qui entrèrent dans la ville.

 

Afin de donner la mesure de l'épreuve que représenta cette marche, Thiébault précise dans ses mémoires que trois semaines après l'entrée dans Lisbonne, l'armée ne comportait encore que 10 000 hommes sur les 25 000 partis de Bayonne. Les autres continuèrent à arriver dans la capitale portugaise, sauf 1700 soldats qui disparurent dans cette terrible marche[3].

 

Cela s'explique notamment par le fait que cette armée était composée majoritairement de jeunes conscrits inexpérimentés des classes 1806 et 1807 qui furent lancés dans cette aventure terrible. Les pertes furent bien moindres pour des régiments tels que le 70ème composé de soldats chevronnés.

 

 

[1] Les informations de ce chapitre sont toutes tirées des mémoires de la Relation de l'expédition du Portugal par Paul Thiébault, aide de camp du général Junot pendant cette opération.

[2] Le lieutenant général Thiébault signale deux étapes faisant exception : Tolosa et Vittoria 

[3] Ce nombre très important de morts, le lieutenant général Thiébault l'attribue à la fatigue, la maladie, la faim, la noyade ou encore suite aux assassinats des soldats isolés sur le trajet entre Bayonne et Lisbonne

 

Vue de Lisbonne au début du 19ème siècle (source Gallica)

Vue de Lisbonne au début du 19ème siècle (source Gallica)

Lisbonne ville ouverte

 

Les troupes d'invasion ne rencontrèrent pas d'obstacles alors même que ces colonnes auraient pu être défaites pendant le trajet les conduisant d'Alcantara à Abrantès. Cela s’explique par le fait que l'ordre de freiner l'avancée de l'armée française était intervenu tardivement. Au demeurant, la faiblesse des forces portugaises imposait une stratégie d'évitement.

 

Junot arriva à Lisbonne au matin du 30 novembre. Cette avant-garde fut rejointe par le 70ème régiment d'infanterie qui atteignit la capitale en milieu d'après-midi. Ils entrèrent dans une capitale littéralement vidée du pouvoir portugais.

 

La veille, le prince régent, sa cour, l'administration royale et des figures de l'ensemble de la société portugaise avaient embarqué pour le Brésil avec les archives de l'Etat le trésor royal et les collections d'art de la couronne. A l'arrivée au Brésil, le Portugal déclara officiellement la guerre à la France.

 

Le nouveau pouvoir se trouva confronté à un royaume désorganisé, vidé de la majeure partie de ses élites, de son administration et de numéraire. Face à lui, seul un Conseil de régence de huit membres nommé par le prince régent avant son départ, demeurait un interlocuteur, de mauvaise volonté, et de toute façon impuissant à faire respecter les consignes, faute d'administration.

 

En février 1808, Junot fut nommé gouverneur général du Portugal afin d'administrer directement le pays pour faire face aux menaces de débarquement des forces anglaises.

El 3 de Mayo (Francisco Goya)

El 3 de Mayo (Francisco Goya)

 

La guerre d'indépendance de l'Espagne complique la situation

 

De la tolérance au rejet de la domination française

 

Il serait un peu long de revenir sur le contexte qui conduisit à la guerre d'indépendance espagnole. Ce qu'il faut retenir, c'est que le royaume espagnol était l'allié de la France depuis 1796. L'empire français bénéficiait d'ailleurs d'une certaine bienveillance de la part des élites espagnoles qui considéraient que le siècle des lumières puis la révolution devaient être une source d'inspiration pour leur pays. Cet attrait ne se démentit pas, y compris pour ceux qui collaborèrent avec l'Empire au moment de la quasi annexion de l'Espagne en 1808. Du côté de Napoléon, l'alliance avec l’Espagne avait des visées plus prosaïques. Ce pays constitua dès le départ un Etat satellite permettant de tenir la péninsule ibérique, dont le Portugal allié naturel de l'Angleterre.

 

En 1807, Napoléon obtint du roi d'Espagne de pouvoir traverser son territoire et d'engager l'invasion du Portugal avec l'appui de troupes espagnoles, dont certaines se révélèrent peu prêtes ou pas motivées. Campées dans diverses places fortes espagnoles afin de servir de couverture à l'armée du Portugal, la présence des troupes françaises inquiétait et ressemblait de plus en plus à une mainmise de la France sur son voisin. Ce sentiment s'accentua lorsque Murat, personnage considérable, fut nommé lieutenant général[1] de l'empereur dans le royaume en février 1808.

 

C'est dans ce contexte que se cristallisa le conflit familial entre le père Charles IV d'Espagne et son fils Ferdinand VII, le premier étant jugé trop faible face aux Français. En mars 1808, une émeute fomentée par le prince des Asturies contre le roi conduisit à l'abdication de Charles IV en faveur de son fils Ferdinand VII. Le roi revint toutefois sur son abdication contre la volonté de son fils, les deux parties demandèrent un arbitrage de Napoléon pour éviter la guerre civile.

 

Donnant lieu à une médiation à Bayonne, cette séquence constitua une histoire de dupes puisque Napoléon décida en définitive que son frère Joseph remplacerait le père et le fils sur le trône d'Espagne. Dans les jours précédents, le départ de Madrid sous escorte des enfants de Charles IV pour Bayonne, suscita l'insurrection de Madrid du 2 mai conduisant à une féroce répression.

 

La guerre d'indépendance d'Espagne commençait et avec elle, les prémisses de la fin du Premier Empire.

 

[1] Murat prit le contrôle de Madrid le 23 mars 1808 et indirectement du royaume devenant pendant la crise de succession le véritable dirigeant du pays.

 

Francisco Goya "les désastres de la guerre" dans un camp

Francisco Goya "les désastres de la guerre" dans un camp

Francisco Goya "les désastres de la guerre" ... Et dans l'autre

Francisco Goya "les désastres de la guerre" ... Et dans l'autre

 

L'invasion du Portugal tourne au vinaigre

 

En ce printemps 1808 et bien qu'il ait reçu du renfort de la part de la France, le général Junot se trouva de plus en plus isolé au Portugal, le lien avec la France via l'Espagne était rompu du fait de l'insurrection et de la guerre d'indépendance.

 

En juin 1808, sur les trois divisions espagnoles qui l'avaient suivi, une grande partie des troupes parvint à s'échapper vers l'Espagne après avoir appelé les Portugais au soulèvement, à Porto notamment. Apprenant les évènements de Porto, Junot prit de vitesse la division du général Caraffa qu'il fit immédiatement emprisonner sur des pontons dans le port de Lisbonne.

 

Par ailleurs, des troupes anglaises devaient débarquer sur le sol portugais. Pour les Portugais, le moment était propice pour tenter de reprendre le contrôle de leur pays. L'Algarve puis le nord du Portugal se soulevèrent et le 25 juin 1808, un conseil de guerre décida d'abandonner le nord et le sud du Portugal et de concentrer  désormais les troupes françaises au centre du pays, dans Lisbonne et sa région.

 

Le retrait des troupes françaises put s'effectuer en bon ordre malgré les actions menées par la guérilla, conduisant toutefois à quelques actions sanglantes. En particulier, le Général Loison et ses troupes semèrent la terreur parmi les populations civiles, dans la phase de retrait du nord du Portugal mais aussi et surtout au moment de la prise de la ville stratégique d'Evora en juillet 1808.

Pendant toute la période, le 70ème régiment d'infanterie dont le soldat Brianceau paraît avoir été cantonné à Lisbonne. Au début du mois d'aout, le général Delaborde fut envoyé par Junot avec notamment le 70ème régiment pour faire face à l'avancée des troupes britanniques et portugaises qui avançaient en deux colonnes vers Lisbonne, la première le long de la côte et la seconde dans l'intérieur des terres. L'objectif était de freiner leur progression et permettre la jonction avec les troupes du général Loison qui se trouvaient à environ 30 kms de leurs collègues.

 

La première bataille eut lieu au niveau du village de Roriça le 17 aout.  Si elle constitua une défaite pour les Français qui étaient inférieurs en nombre, les troupes britanniques ne poussèrent pas leur avantage parce que le général Wellesley prit le parti de couvrir le débarquement de troupes.

 

Le 20 aout, l'ensemble des troupes françaises fut rassemblé au niveau de Torres Vedras et se porta sur Vimeiro pour affronter l'armée anglo-portugaise. Battue à Vimeiro, l'armée française put toutefois être évacuée.

 

A l'issue du dernier conseil de guerre tenu par le général Junot après la défaite, il fut décidé que la seule issue possible résidait dans l'évacuation des troupes françaises. L'objectif partagé par le commandement britannique se concrétisa à travers la négociation entre les belligérants, la Convention de Cintra permit ce départ en bon ordre.

 

En application de cet accord tellement favorable aux Français que les généraux britanniques[1] durent en justifier les termes devant une commission d'enquête à Londres, les troupes françaises furent rapatriées en France sur des vaisseaux britanniques.

 

Ainsi, les 11 et 12 septembre 1808 la première division dont le 70ème régiment fut embarquée pour la France, rejoignant La Rochelle et Quiberon entre le 15 et le 30 octobre 1808. L'évacuation s'acheva avec les garnisons françaises d'Elvas et d'Almeida à partir du 7 octobre qui quittèrent Lisbonne seulement le 8 décembre.

 

Comme dans un mauvais film, ces troupes allaient revenir. Le 15 novembre, l'ancienne armée du Portugal entrait en Espagne dans le huitième corps d'armée. La troisième expédition du Portugal pouvait commencer.

 

[1] les généraux Dalrymple, Burray et Wellesley

 

bataille de Vimeiro

bataille de Vimeiro

Embarquement des troupes françaises suite à la convention de Cintra

Embarquement des troupes françaises suite à la convention de Cintra

La troisième invasion du Portugal

 

Entré à nouveau en Espagne en novembre 1808 sous les ordres du général Junot, le 70ème régiment d'infanterie opéra en Castille puis participa à la chasse des troupes du général Moore jusqu'à La Corogne. Il s'y engagea une bataille le 16 janvier 1809, victorieuse pour les troupes françaises qui ne purent toutefois empêcher l'embarquement des troupes anglaises.  

 

Obligé de rentrer en France, Napoléon confia au maréchal Soult la mission d'envahir le Portugal à partir de la Galice. Celui-ci devait gagner rapidement Lisbonne par Tuy, Braga, Porto et être rejoint par les troupes du maréchal Victor qui gagnerait le Portugal via l'Estrémadure. Des troupes commandées par le général Lapisse entreraient par la route de Salamanque et seraient censées faire le lien entre les deux corps d'armée.

 

Rien de se passa comme prévu. Les instructions de Napoléon étaient vagues et très optimistes et ne prenaient pas en considération ni les intempéries qu'essuyèrent les troupes ni le soulèvement généralisé d'un peuple portugais ni sa résistance organisée et sans pitié.

L'armée française sous les ordres du maréchal Soult était composée de quatre divisions d'infanterie, dont la quatrième dirigée par le général Henri François Delaborde, comprenait le 17e régiment d'infanterie légère, le 70e dont l'insubmersible soldat Brianceau et le 86e Ligne. Je suppose qu'il fut confié au maréchal des troupes aguerries qui connaissaient déjà le Portugal.

Dès janvier Soult concentra ses troupes vers Vigo. Il établit son quartier général à Tuy de l'autre côté du Minho, en face du Portugal avec l'intention de traverser le fleuve à cet endroit. Cette première tentative étant bloquée par le feu de l'armée portugaise, le Maréchal décida de remonter le Minho jusqu'à Orense à partir du 17 février 1809 afin de trouver un endroit propice pour traverser le fleuve. Après 145 kms de marche, les troupes françaises de 25 000 combattants atteignirent Ourense et entrèrent au Portugal par la province de Tras Os Montes le 10 mars après avoir essuyé plusieurs escarmouches.

 

Le premier combat significatif se déroula à 18 kms à l'est de Braga. En face, le général portugais Freire décida de se retirer sur Porto mais les paysans combattant à ses côtés refusèrent d'opérer une retraite et tuèrent leur général. Le 18 mars, l'armée portugaise dirigée désormais par un officier allemand fut défaite. Braga tomba. Soult entra dans une ville abandonnée par ses habitants et dont le cadavre du premier magistrat assassiné par les chefs de l'insurrection gisait sur la place, à moitié dévoré par les cochons.  

 

Soult confie dans ses mémoires à cet égard : " ... après, je me rappelais ce spectacle et cet abandon d'une ville par la totalité de ses habitants, comme un des souvenirs les plus impressionnants de ma carrière". Le spectacle se répéta fréquemment pendant cette campagne, répondant en cela à la consigne faites aux habitants de déserter les places avant l'occupation, sans y laisser de nourriture.

 

Soult entreprit de sécuriser la région avant de marcher sur Porto. Porto concentrait alors une armée portugaise importante composée de troupes régulières mais aussi d'une majorité de paysans armés (60000 soldats). La prise de Porto s'effectua le 29 mars 1809, au cours de laquelle le 70ème régiment d'infanterie et le 86ème régiment eurent une action décisive en enfonçant les lignes de défense portugaises. La ville fut mise à sac par des troupes françaises excédées, sans que leurs officiers puissent les en empêcher.

 

Sans nouvelles de l'avancée du maréchal Victor, Soult ne pouvait pas continuer sa marche vers Lisbonne. Dans le même temps, des informations lui parvenaient sur le mouvement opéré par le général Portugais Silveira qui reprenait pied à Guimarães et Braga avec 6000 soldats réguliers et 15000 paysans, après avoir maîtrisé les garnisons françaises qui y avaient été affectées. Soult était menacé d'être coupé de ses arrières en Galice sans pouvoir opérer la jonction avec le maréchal Victor.

 

C'est dans ce contexte qu'au début du mois d'avril, Soult envoya des troupes placées sous les ordres du général Loison dont le 70ème régiment d'infanterie pour combattre le général Silveira basé dans la ville d'Amarante et pousser le plus loin possible pour obtenir des informations sur la marche du maréchal Victor.

 

C'est avec du renfort que Loison prit la ville d'Amarante y découvrant des informations importantes sur les difficultés que Ney rencontrait en Galice. Ces informations permirent à Soult de lancer des troupes pour rétablir le lien entre la base arrière en Galice et ses troupes cantonnées au nord du Portugal.

 

Entre temps et malgré quelques victoires (Medellin et Ciudad Real), le maréchal Victor connaissait une avancée entravée par des escarmouches, courant le risque que derrière lui, les territoires conquis soient repris par l'armée espagnole. Les mêmes difficultés menaçaient l'avancée de Soult, d'autant qu'au cours de la même période, les Britanniques débarquaient des troupes importantes pour tenir le Tage.

 

Le maréchal Soult pris d'abord le parti d'attendre et de conforter sa position à Porto avant de poursuivre l'invasion du Portugal. Il mena une entreprise de séduction auprès de la population locale, conscient de sa position fragile dans un terrain profondément hostile. Isolé autant que soucieux de montrer son respect pour le peuple occupé, Soult commença par des gestes ostensibles à l'égard de l'église et de la religion. Forcé par la situation, il finit par se poser en gouverneur du territoire occupé et gagner le respect d'une partie de la population, abandonnée par son roi. Cette situation conduisit à accréditer la thèse colportée par ses ennemis, selon laquelle le maréchal se serait bien vu en nouveau souverain du Portugal.

 

Cet épisode devait s'interrompre très rapidement de toute façon. La remontée de deux corps d'armée anglo-portugais (l'un sur Porto, l'autre plus à l'est pour couper une éventuelle retraite de Soult) obligea le maréchal à organiser une fuite rapide vers la Galice.

 

Le 12 mai 1809, il quitta Porto assaillie par l'armée anglo-portugaise et fit une retraite rapide et audacieuse vers la Galice par des chemins étroits dans la montagne à partir de Braga (Salamonde, Ruivaes, Montalegre).

 

La troisième invasion du Portugal s'achevait mais ce n'était pas la dernière. Une quatrième tentative commença en juin 1810, avec le régiment de Louis Brianceau.

 

Avant de décrire cette invasion qui conduisit à l'emprisonnement de notre soldat, j'ai tenté de reconstituer l'itinéraire du 70ème régiment entre le mois de mai 1809 jusqu'à la nouvelle invasion du Portugal. Il semblerait que de retour en Espagne, il opéra dans la région de Biscaye de la Navarre et de la vieille Castille[1]. Le général Avril était d'ailleurs gouverneur de Biscaye en juillet 1809. Au printemps 1810, le régiment rejoignit Valladolid puis rallia Astorga pour participer au siège[2] qui se conclut par une victoire française le 22 avril 1810. 

 

[1] Province qui recouvrait alors le nord ouest de l'Espagne avec l'actuelle Castille-Leon et la Cantabrie.

[2] le 70ème faisait alors partie de la 3ème division dirigée par le général Solignac et sous les ordres du général de brigade Thomières.

Bataille de La Corogne

Bataille de La Corogne

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20 octobre 2018 6 20 /10 /octobre /2018 18:34
La partie de cartes (Fernand Léger - 1917)

La partie de cartes (Fernand Léger - 1917)

La colonne de fantassins disparut dans la fumée, on entendit leur cri prolongé et une fusillade nourrie. Au bout de quelques instants, on vit revenir une foule de blessés et des civières. Des obus tombaient encore plus dru sur la batterie. Quelques hommes gisaient là sans qu'on les relevât. Autour des canons, les servants s'empressaient et redoublaient d'activité. Personne ne faisait plus attention à Pierre." (......) "Arrivé au galop des flèches, un aide de camp, le visage pâle, effrayé, annonça à Napoléon que l'attaque était repoussée, que Compans était blessé. Davout tué; or les flèches avaient été occupées par d'autres troupes au moment où l'on disait à l'aide de camp que les Français avaient été repoussés, et Davout était vivant mais légèrement contusionné seulement. En partant de rapports nécessairement faux, Napoléon prenait des dispositions qui avaient déjà prises ou qui ne pouvaient être appliquées et ne l'étaient pas

De la confusion du champ de bataille; de près ou de loin (Borodino à travers "Guerre et Paix" de Léon Tolstoï)

 

Dernière guerre de Vendée et deuxième campagne d'Italie (1799-1801)

 

"Entré au service le 1er prairial an 7 (20 mai 1799) comme enrôlé volontaire", le soldat Brianceau continua à opérer dans la campagne vendéenne désormais dans la 70ème demie-brigade, à l'occasion de la troisième guerre de Vendée[1] (14 septembre 1799-janvier 1800).

 

Au moment du coup d'Etat de Bonaparte le 18 brumaire de l'an 8 (9 et 10 novembre 1799) qui mit fin au Directoire, la situation des différentes armées françaises sur les différents fronts s'était redressée à l'automne mais demeurait peu brillante.

 

Parallèlement aux troubles en Vendée et en Bretagne, les troupes affrontaient aux frontières les forces alignées par la seconde coalition formée en 1798 entre l'Angleterre, l'Autriche, la Russie, la Sicile et la Turquie. Elles manquaient d'effectifs ce qui avait conduit à instaurer la conscription[2] avec un succès très mitigé. Les armées du Rhin et d'Italie surtout étaient démunies et les caisses de l'Etat étaient vides.

 

En févier 1800, Masséna, le commandant de l'armée d'Italie témoignait "L'armée est absolument nue et déchaussée (...)  La solde est arriérée de six à sept mois (....) Nous n'avons pas un brin de fourrage ni approvisionnements d'aucune espèce, pas un moyen de transport. (...) La Ligurie n'a plus d'approvisionnements d'aucune espèce, tout est épuisé. (...) J'ai mis toutes les troupes à la demi-ration, moi-même j'en ai donné l'exemple; l'habitant ne reçoit que trois onces de pain pour vingt-quatre heures".

 

En ce début d'année 1800, tandis que les pourparlers de paix initiés auprès de l'Angleterre et l'Autriche - les plus actifs au sein de la coalition -, peinaient à produire leurs effets, Napoléon poursuivait la réorganisation de l'armée avec la création d'une armée de réserve.

 

C'est l'offensive autrichienne en Italie contre les troupes françaises qui accéléra la mobilisation de cette armée constituée par décret du 1er mars 1800, Napoléon choisissant de voler au secours de Masséna replié sur Gênes, assiégée par les Autrichiens. 

 

Le contexte s'avéra propice. Avec la fin des troubles en Vendée et en Bretagne en janvier et février 1800, les troupes mobilisées dans la guerre civile purent désormais être affectées à l'armée de réserve. Le 8 mars 1800, l'ensemble des corps d'armée qui la constitueraient devaient rejoindre Dijon. Près de 40 000 hommes partirent pour accomplir la deuxième campagne d'Italie.

 

Ainsi, le 22 mars 1800, le général Brune qui commandait l'armée de l'Ouest fut requis d'envoyer trois corps d'armée à Dijon, dont la 70ème demi brigade[3] qui partit de Tours[4]. Le 28 avril, ordre fut donné de hâter la marche et d'abréger le temps de route en faisant deux journées d'étape en un seul jour lorsque cela sera jugé possible.

 

Afin d'entrer au plus vite en Italie, l'armée de réserve dut franchir les Alpes par le col du Grand Saint Bernard en Suisse, trop tard toutefois pour réaliser le plan imaginé par Napoléon de prendre en tenaille les Autrichiens entre son armée et celle de Masséna, ce dernier ayant été obligé de se rendre le 4 juin 1800. 

 

La 70e dépassa Dijon le 8 mai et atteignit le lac de Genève le 14 mai (à Nyon), elle fut placée alors sous les ordres du général Monnier et fut intégrée dans la 6e division de réserve.

 

Le 16 mai, la 70ème s'établit à Vevey, le lendemain, à Villeneuve à la pointe du lac de Genève puis redescendit plein sud vers l'Italie, via le col du Grand Saint Bernard.

 

Cette traversée que la propagande habile du futur empereur devait rendre légendaire,  ne fut pas malgré tout une promenade de campagne. En particulier, le passage de l'artillerie par le col s'effectua dans des conditions très éprouvantes.

Marmont, le général en chef de l'artillerie écrivit à Napoléon, afin de proposer des solutions face à une situation qu'il décrivait en ces termes " Si vous avez la bonté de penser à l'immensité du travail que le passage de l'artillerie nous cause, et si vous calculez en même temps la faiblesse de nos moyens, vous trouverez que nous avons fait beaucoup de besogne. Les paysans nous ont abandonnés; la rudesse du travail les en a dégoûtés; j'ai cependant prodigué l'argent pour les faire revenir. Je fais courir des officiers d'artillerie dans tous les villages et l'argent à la main (...) Je souhaite que ces moyens nous donnent des bras. Les canonniers sont en petit nombre, aussi nous ne pouvons faire usage que de leur intelligence et non de leurs bras. Les sapeurs sont tous partis. Le peu de mulets d'artillerie que j'ai m'échappent, par deux raisons: la première, c'est que le général en chef les emmène dans la vallée et les garde avec lui au lieu de me les renvoyer; la deuxième, c'est que les muletiers, pour lesquels je n'ai pu obtenir encore une paire de souliers et un habit, désertent par dizaines et se cachent dans les bataillons. Pour comble de malheur, nos mulets ne sont pas nourris, ou plutôt meurent de faim. J'ai employé un bataillon de la 59e et un détachement de 600 hommes de la division Loison à monter des pièces et porter des effets d'artillerie. Ils s'en sont tirés avec une peine excessive, et grâce aux coups que les officiers ont distribués (sic) : mais ils sont si fatigués, harassés et mécontents qu'il est impossible de les faire recommencer. "

 

L'étape difficile qui suivit fut de neutraliser les troupes autrichiennes présentes dans le fort de Bard qui domine la vallée d'Aoste. Ensuite l'armée de réserve put occuper la plaine italienne.

 

 

[1] La première guerre commence au printemps 1793 et s'achève avec la signature de l'accord de paix de La Jaunaye le 17 février 1795 au terme duquel notamment une amnistie est prononcée, les biens sont restitués  et les Vendéens sont dispensés de levées militaires et leurs armes leur sont laissées, les troupes républicaines se retirent, et la liberté de culte leur est accordée. La deuxième se déroula de juin 1795 à 1796.

[2] Les jeunes gens, appelés en vertu de loi du 23 août 1793, portaient le nom de réquisitionnaires tandis que les nouvelles recrues de la loi du 5 septembre 1798 (19 fructidor an 6) étaient dénommés "conscrits".

[3] composée alors de 2400 hommes.

[4] Elle effectua le trajet d'abord le long de la Loire, par Blois et Beaugency puis Auxerre, Avallon et Dijon.

 

Plan de l'Italie du nord où se déroule la deuxième campagne

Plan de l'Italie du nord où se déroule la deuxième campagne

Avec la prise imminente de Gênes, Napoléon opta pour un stratégie un peu différente en décidant de fortifier Milan et tenir la ligne du Pô entre Alessandria et Mantoue afin de fermer l'essentiel des lignes de retraite des différentes troupes autrichiennes. La progression vers Milan conduisit à plusieurs batailles.

 

D'abord, le franchissement de la rivière du Tessin par Murat (31 mai), mobilisa plusieurs régiments dont la 70ème demi brigade, placée à l'avant garde. On en retrouve des traces dans les dossiers militaires de plusieurs soldats qui furent blessés à cette occasion. Ensuite ce fut la prise du village de Turbigo et le 2 juin, les troupes (dont notre fameuse demi-brigade) entrèrent à Milan.

La 70ème demi-brigade accompagna les mouvements visant à verrouiller le Pô pour interdire la retraite des troupes autrichiennes, avant le choc des armées française et autrichienne à Marengo, point d'orgue de cette campagne. D'abord ce fut Pavie puis la traversée difficile du Pô le 8 juin pour rejoindre la position stratégique de Stradella. Sans l'artillerie demeurée de l'autre côté du fleuve, ce qui conduisit le général Monnier[1] à esquiver les affrontements avec des détachements autrichiens, avant de rejoindre d'autres divisions françaises.

Le lendemain se déroula un avant goût de Marengo avec la bataille de Montebello que les Autrichiens perdirent malgré leur supériorité numérique.

Le rassemblement des différentes divisions françaises commençait et c'est ce moment là que choisit le général autrichien von Mélas pour enfoncer le front français devant la ville d'Alessandria, à Marengo. La 70ème demi brigade[2] qui était demeuré en arrière en réserve, se trouvait le matin du 14 juin 1800 à Torre di Garofoli (soit à 9 kms du champ de bataille). Le général Monnier qui la dirigeait se porta sur le front nord (prise du village de Castelceriolo). Il fit retraite vers San Giulano Nuovo avec le gros des troupes françaises[3] dépassées par les Autrichiens, avant que l'offensive ne reprenne avec l'arrivée des troupes de Desaix.

L'armistice entre les deux armées fut signé le 15 juin et la division Monnier fit mouvement vers la ville de Bologne qu'elle atteignit le 28 juin 1800. Le 19 octobre 1800, elle prenait la ville d'Arrezzo, sans que je puisse ensuite déterminer à quelle date la seconde campagne d'Italie s'acheva pour notre soldat.

 

[1] Elle obtenait 8 pièces d'artillerie seulement le 12 juin.

[2] A ce moment, elle comptait 1410 soldats

[3] Sur le champ de bataille, elles étaient inférieures numériquement avec une artillerie bien moindre que les troupes autrichiennes.

 

 

Soldats napoléoniens (Nicolas-Toussaint Charlet 1792-1845)

Soldats napoléoniens (Nicolas-Toussaint Charlet 1792-1845)

 

Les épreuves d'une armée en campagne

 

Avant de poursuivre l'examen du parcours de Louis Brianceau, quelques mots sur le quotidien d'un régiment napoléonien en campagne m'apparaissent nécessaire.

 

L'une des clés du succès des armées napoléoniennes fut leur très grande mobilité. Cela se voit à l'examen des déplacements opérés par la 70ème demi-brigade par exemple qui en un peu plus d'un mois seulement (du 28 avril au 31 mai), va de Tours où elle était cantonnée jusqu'aux rives du Tessin.

 

Elle rejoignit d'abord à marche forcée Dijon, parcourant 455 kms à pied en 13 jours, soit une trentaine de kms par jour. Puis le parcours Dijon-Nyon aux bords du lac Léman fut effectué au prix de 24 kms par jour. Enfin, et jusqu'aux rives du Tessin, le rythme fut plus lent à raison de 17 kms par jour mais c'est un beau record puisqu'ils franchirent les Alpes. Mais ce ne fut pas le maximum obtenu par les troupes : les soldats de Davout effectuèrent 120 kms en deux jours avant de combattre à Austerlitz.

 

Ces exploits étaient d'autant plus méritoires si l'on songe que les soldats avaient des chaussures de même modèle et des semelles parfois proches du carton, avec une paire de rechange. Les pauses étaient réglementées. Un arrêt d'une heure et demie intervenait à mi-chemin (la "grande-halte "), tandis qu'au quart et aux trois-quarts de la route le soldat s'arrêtait une demi-heure. Enfin une courte pause de 5 à 10 minutes était accordée aux marcheurs toutes les heures[1]. Il y avait la marche simple et la marche de guerre, cette dernière devant permettre d'affronter l'ennemi à tout moment.

 

 

Les soldats marchaient avec un barda lourd contenant des habits, de la nourriture, des chaussures notamment et dont le poids affichait jusqu'à 30 kilos. Le soir, il s'agissait de mettre en place le bivouac. Les tâches étaient réparties entre la cuisine, la construction d'abris, le nettoyage des armes et l'inspection des équipements. ils dormaient alors tout habillés, au coin du feu et préféraient bien sûr le cantonnement ou bien le logement chez l'habitant.

 

 

Une armée qui marche beaucoup doit être nourrie correctement. La base de l'alimentation du soldat napoléonien[2] c'était d'abord le biscuit et le pain de munition, rond comme un boulet de canon et censé tenir deux jours. Le biscuit était une sorte de pain très dur, tenant son nom au fait qu'il était deux fois cuit. Il était rond jusqu'en 1812 (où il devient carré pour une question de stockage) et d'un poids de 275 grammes. La dureté du biscuit en faisait un complément idéal pour la soupe. Au delà de cette alimentation de base, le soldat pouvait recevoir des légumes secs et du riz. Les apports en protéines provenaient de deux types de viande soit fraiche soit salée.

Ils recevaient également du sel afin de parer à la dysenterie notamment.

 

 

Le stock de denrées alimentaires sur le parcours nécessitait une planification. Ce ne fut malheureusement pas toujours le cas dans le trajet ou surtout sur le théâtre des opérations.

 

[1] "marches et bivouacs dans les armées napoléoniennes" (Vincent Rolin)

[2] voir sur cette question "L'alimentation du soldat pendant la campagne de 1812" - François-Xavier Meigner Mémoire de Master 2

 

 

 

 

Soldats au bivouac (Nicolas-Toussaint Charlet)

Soldats au bivouac (Nicolas-Toussaint Charlet)

 

Pour cette deuxième campagne d'Italie qui semble avoir particulièrement planifiée, Napoléon précise dès le 1er mars 1800 à Alexandre Berthier les produits nécessaires à rassembler à Genève le plus tôt possible à savoir, 1,5 millions de rations de biscuits, 100,000 pintes d'eau-de-vie, 100,000 boisseaux d'avoine ainsi qu'un parc de 1000 bœufs qui devait être réuni à Bourg (département de l'Ain) pour le 1er germinal (22 mars 1800).

 

 

Dupont écrivit à Lannes le 10 mai 1800 de Genève :" Conformément aux ordres du général en chef, citoyen Général, vous vous rendrez, le 23, à Saint-Maurice (en Suisse) avec l'avant-garde que vous commandez, et vous ferez prendre à Villeneuve du biscuit à la troupe pour les 23, 24, 25 et 26 (13, 14, 15 et 16 mai). Dans la journée du 24, vous serez rendu à six lieues au delà de Saint-Maurice, et, le 25, vous vous trouverez au pied du Grand-Saint-Bernard. En passant à Saint-Pierre, vous prendrez du biscuit pour trois jours, 27, 28 et 29 inclus."

 

 

En effet et parallèlement à l'avancée des troupes, c'est tout une organisation logistique qui devait se déployer tout au long du parcours. Quand tout fonctionnait de manière satisfaisante, la distribution des vivres se faisait à chaque point d'étape où elles étaient entreposées, à peu près tous les 30 ou 40 kms. Dans ces magasins, il y avait des denrées alimentaires mais aussi de l'avoine pour les chevaux. Le service des subsistances désignait pour chacune des divisions des préposés à la fourniture des vivres et des fourrages.

 

Le 15 mai 1800, Berthier le désormais général en chef de l'armée de réserve  établi à Villeneuve fait le point au premier Consul demeuré à Lausanne : "On avait reçu hier soir 447,480 rations de biscuit. On a envoyé à Martigny 110,636 rations; il en a été distribué 60,000. Il en restait en magasin 276,744 rations sur laquelle quantité la division Chambarlhac va être fournie. Il vient d'arriver ce matin 136,000 rations de biscuit, 300 quintaux de blé et 200 sacs d'avoine. Trois bateaux sont près d'arriver, dont un chargé d'effets d'hôpitaux. Il a été envoyé à Martigny 178 barils d'eau-de-vie. Il en reste 122 barils. Les moyens de transports manquent ici. Il me paraît indispensable que vous fassiez donner l'ordre à la chambre administrative du Léman d'envoyer sur-le champ au moins 200 voitures à Villeneuve, pour porter du biscuit à Martigny."

Dans un courrier du même jour adressé cette fois ci au chef de l'état-major, Berthier donne l'ordre que le reste des vivres disponible après le passage de la division de Chambarlhac soit envoyé à Saint Pierre au pied du Grand Saint Bernard, afin que celle-ci soient distribuées pour le parcours qui les attend dans la vallée d'Aoste. Il précise à cet égard " Il est extrêmement important que nous prenions des mesures pour tâcher de nourrir l'armée dans la vallée d'Aoste pendant environ quatre à cinq jours, ce qui servira dans le cas que nous ne puissions pas déboucher aussi vite que nous le désirons. On dit la vallée d'Aoste entièrement ruinée." Il précise aussi qu'il est nécessaire  de prendre des mesures pour assurer à Villeneuve et sur la route les vivres pour environ 10,000 hommes qui suivent la division Chambarlhac.

 

Le même jour, Napoléon qui s'inquiète du fourrage pour les chevaux écrit à Berthier qu'il est nécessaire de prendre des mesures pour la cavalerie, si l'on veut éviter que les chevaux arrivent morts en Italie.

 

La logistique était loin d'être toujours au rendez-vous malgré les différentes initiatives législatives pour corriger les difficultés. Sur le terrain, les efforts d'organisation des bureaux de l'Administration de la guerre, en charge de la logistique via des entreprises spécialisées de transport de vivres, peinaient à porter leurs fruits. Bien des obstacles persistèrent : le vol d'une partie des rations et les trafics ou bien l'incapacité à rassembler les quantités nécessaires ou encore le trop lent convoyage des denrées qui arrivaient "après la bataille". Les populations des régions traversées étaient mis à contribution pour conduire les convois ou bien, plus prosaïquement, par des réquisitions des stocks de produits alimentaires. Faute de régularité, les soldats étaient réduits à la maraude bien que celle-ci soit sévèrement punie.

 

Paix d'Amiens : Napoléon embrasse la reine d'Angleterre

Paix d'Amiens : Napoléon embrasse la reine d'Angleterre

La lune de miel est déjà finie : inspection du camp de Boulogne par Napoléon (1804)

La lune de miel est déjà finie : inspection du camp de Boulogne par Napoléon (1804)

L'armée des côtes de l'Océan et campagne dans l'armée du Nord (1804 - 1805)

 

Il est difficile de reconstituer le trajet de la 70ème demi-brigade (devenue en 1803 le 70ème régiment d'infanterie), entre la fin de la campagne d'Italie et 1805.

 

Je livre les quelques repères identifiés qui forment une trame - un peu floue - des péripéties dans lesquelles notre soldat a pu être embarqué.

 

Dans "l'historique du 70ème régiment d'infanterie de ligne" (1875 - disponible sur Gallica), l'auteur précise que "le 70ème servit au camp de Brest pendant les ans XII et XIII; il occupa ensuite Belle-Ile. Il fut embarqué pendant l'an XIV. EN 1806 on le retrouve d'abord à l'armée du Nord, puis sur la flottille et enfin à l'armée des côtes de l'ouest."

 

Le descriptif est approximatif et se trouve partiellement contredit par d'autres sources concernant l'armée des Côtes de l'Océan affectée - selon celles-ci - au camp de Boulogne, ou bien par les dossiers militaires du 70ème régiment qui placent le passage dans l'armée du nord en 1805. Par ailleurs, ce sont les forces mobilisées au camp de Boulogne qui rallièrent directement le nouveau théâtre des opérations en Allemagne puis en Autriche, dans les suites de la troisième coalition contre la France.

 

En croisant les informations, il est possible que le régiment ait opéré en Bretagne au cours des 13 mois de paix générale en Europe obtenue par le Traité d'Amiens (25 mars 1802), avant d'être affecté au camp de Boulogne, puis dans l'armée du nord.

Ce camp[1] regroupait une armée mise sur pied à la suite de la rupture de la paix d'Amiens, dans l’objectif d'un débarquement en Angleterre. Pendant deux années en effet, Napoléon organisa cette armée qui deviendra ensuite la première "Grande armée". Il fit construire des navires à fond plat, des forts et aménager des ports afin de préparer une invasion qui n'eut jamais lieu.

 

Il apparaît toutefois que l'entraînement régulier de cette puissante armée constitua un atout au moment où sa mobilisation fut nécessaire à la mi-août 1805 pour contrer l'armée autrichienne lors de la campagne d'Allemagne. Cette campagne éclair d'aout à décembre 1805 fut un véritable succès pour la France, la bataille d'Austerlitz en constituant le point d'orgue.

 

[1] En réalité pas un seul mais trois grands camps — Bruges (Gand), Saint-Omer (Camp de Boulogne, Outreau, Wimille, Wimereux, Ambleteuse), Camp de Montreuil (Étaples)

Suite et fin au prochain épisode

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30 septembre 2018 7 30 /09 /septembre /2018 10:51
Une vie de guerres (1/4)  un rebelle chez les insurgés

 

 

Le personnage principal de cette histoire a été débusqué par un de mes frères après qu'il eut épluché consciencieusement des numéros anciens de la revue généalogique de Vendée, "la bouillaie des ancêtres", recensant les soldats vendéens de la Révolution et du premier Empire.

 

Un Brillanceau frère d'un ancêtre paternel figurait sur cette revue que je ramenais à Paris mais qui s'égara dans le taxi qui me conduisait à la maison, après un week-end passé dans ma province natale. J'avais juste eu le temps de relever quelques unes des informations sur le bonhomme, me promettant de le retrouver plus tard, afin de lui tirer le portrait.

 

Le projet était d'autant plus séduisant que j'avais déjà rédigé un article sur mon ancêtre guillotiné pour avoir participé au soulèvement de la Vendée. Cela me permettait d'établir un beau contrepoint. L'insurgé d'un côté et le soldat du nouveau régime de l'autre, tous deux contemporains, du même endroit et de milieux et de culture identiques mais emportés dans des trajectoires bien différentes.

 

Deux ans passèrent, et c'est après avoir fait l'article sur mon marin de la Royale que le projet ressurgit, suite à une discussion avec mon frère. Une soirée passée à rechercher des informations sur le worldwide web et le dossier militaire de Louis Brianceau, réapparut avec des informations complètes sur son compte. C'était bien lui, sans ses deux L. Je le tenais et je n'allais plus le laisser s'échapper.

Une vie de guerres (1/4)  un rebelle chez les insurgés

Synthèse des deux dossiers militaires  de Louis Brianceau du 70ème régiment d'infanterie demi-brigade de ligne (25 septembre 1803 au 21 décembre 1805) - 1er bataillon, 1ere compagnie 1ere division de grenadiers - devenu le 65ème régiment d'infanterie



Matricule 1312 - Louis Brianceau, fils de René et Marie Marlet né en 1781 à Menomblé canton de La Chataigneraie (Vendée) - 1 m 660 mm, visage ovale coloré, front ordinaire, yeux gris, nez bien fait, bouche moyenne menton fourchu, cheveux et sourcils châtains.

Entré au service le 1er prairial an 7 (20 mai 1799) comme enrôlé volontaire - a servi antérieurement dans les chasseurs de Vendée à compter du 21 mars 1793, jusqu'à l'époque de son entrée au régiment. A fait les campagnes de l'an 7 (septembre 1798 à septembre 1799) à l'armée des côtes de l'Océan, les campagnes des ans 8 (sept. 1799 à sept. 1800) et 9 (sept. 1800 à sept. 1801) en Italie. Les campagnes des ans 12 (sept. 1803 à sept. 1804) et 13 (sept. 1804 à sept. 1805) dans les côtes de l'Océan. Les campagnes de 1808, 1809 et 1810 à l'armée d'Espagne. Prisonnier de guerre par les Anglais le 7 octobre 1810 à Coïmbra. Entrée en France le 22 mai 1814

D'abord fusilier puis grenadier le 16 février 1807 puis caporal le 6 mai 1815. Arrivé au corps le 16 septembre 1814 venant du 70ème régiment. Dernier domicile à Menomblé

Parti pour le département de la Vendée le 21 septembre 1815 par suite du licenciement.

Grenadier de l'infanterie de ligne en 1795 (Hyppolite Lecomte - source Gallica)

Grenadier de l'infanterie de ligne en 1795 (Hyppolite Lecomte - source Gallica)

Identification du personnage

 

Ces deux fiches militaires que j'ai synthétisé ont révélé d'emblée deux approximations posant autant de questions qu'il fallut résoudre.

 

Tout d'abord sa date de naissance est vague et fantaisiste. Louis Brianceau serait né en 1781 sans plus de détails, ce qui conduit à un engagement non plausible à l'âge de 11 ans.

 

Un deuxième sujet se pose quant à sa filiation. Il a déclaré être le fils de René Brianceau et de Marie Marlet. Si le père correspond à mon aïeul au 6ème degré, la mère est pour ainsi dire écorchée dans son prénom et dans son nom, puisque la femme de René Brianceau (1722-1794) est en réalité Perrine Merlet (1735-1795). Très rapidement, j'ai déduit que "Marlet" est une déformation patoisante de "Merlet". Toutefois, il aurait pu être le fils d'un frère de René Brillanceau marié à une sœur de Perrine Merlet, phénomène très fréquent constaté en Vendée pour des raisons patrimoniales. Les recherches sur cette piste furent vaines et sa déclaration en mairie lors de la publication de son mariage en avril 1816 confrontée à son acte de mariage confirmèrent que Perrine Merlet à l'état civil était dans ses mots à lui "Marie Marlet" ou "Morlet".

 

Concernant sa date de naissance, il y avait deux possibilités, soit 1770 ou bien 1776. Son acte de décès en 1823 permit de trancher pour la deuxième option.

 

Sur le plan de l'environnement familial dans lequel Louis Brianceau a baigné, il apparait qu'il était l'avant dernier rejeton d'une fratrie de sept enfants. C'était un fils de parents âgés, son père avait 54 ans à sa naissance et sa mère plus de 40 ans.

 

René Brillanceau, lui-même enfant de parents âgés, avait été domestique avant de devenir bordier, sans qu'il ait pu s'établir dans une métairie ou une borderie exploitée en famille, son propre père, Pierre Brillanceau, étant décédé quand il avait 14 ans et sa mère s'étant retirée à Cheffois, où elle mourut en 1743 dans la famille de son gendre. Quant à Perrine Merlet, on ne lui connaît qu'une sœur, mariée à un certain Louis Bounineau qui n'eut apparemment pas de descendance. Ses cousins peu nombreux avaient presque l'âge de ses parents et il grandit très certainement dans un cercle restreint, aux côtés de sa sœur Perrine, la cadette, et également peut-être de sa sœur Marie et son frère (Jean, mon aïeul) qui étaient respectivement plus âgés que lui de 3 et 4 ans.

 

Deux personnages toutefois semblent émerger comme des figures[1] pour les parents de Louis et qui exercèrent peut-être indirectement une influence:  Louis Boissonot, un oncle de sa mère et Louis Merceron, cousin issu de germain de son père. je reviendrai plus loin sur cette famille Merceron qui joua peut-être un rôle dans le positionnement au regard de la Révolution.    

 

Enfin, l'examen des dossiers militaires de Louis Brianceau montre que si le parcours du jeune soldat a pu commencer dans un climat d'exaltation et d'émulation d'une partie de la jeunesse locale (la même certainement que celle qui anima les combattants de la Vendée d'ailleurs), son engagement ne se démentit pas[2]. Il demeura soldat, même après la Restauration durant l'épisode des 100 jours. Il obtint le grade de caporal avant Waterloo et ne revint chez lui qu'en septembre 1815.

 

Une page se tournait alors, s'en était fini alors de Napoléon et de ses conquêtes et le Roi licencia cette armée impériale insoumise.

 

[1] Ils semblent un peu lettrés (ils signent, plutôt bien d'ailleurs) et apparaissent en bonne place dans les actes familiaux.

[2] En parcourant les dossiers, je me suis aperçu que les désertions pouvaient être assez fréquentes ou, en tout cas, les disparitions signalées comme telles.

"La liberté ou la mort" (Jean Baptiste Lesueur)

"La liberté ou la mort" (Jean Baptiste Lesueur)

La Rochejacquelein à la prise de Cholet (P.E. Boutigny)

La Rochejacquelein à la prise de Cholet (P.E. Boutigny)

Un terrain pas tout "blanc"

 

Qui a pu motivé ce jeune homme de 17 ans révolus et quelques autres probablement "d'entrer dans la carrière" ?

 

Si l'on ne peut rien affirmer avec certitude en la matière, il y a malgré tout des personnages qui ont pu exercer une forme d'influence, la Vendée n'étant pas toute acquise à la cause des "blancs"[1], même après 1793.

 

D'abord, au rang des aînés, il y eut le curé de Menomblet Henry Louis Turpault (1748-1794) qui était acquis aux idées révolutionnaires. Il fut convoqué à l'assemblée du clergé en 1789 puis à Poitiers pour les états généraux du Clergé. Il fut un des rares prêtres vendéens à prêter serment à la constitution civile du clergé et sera assassiné à Menomblet au cours des troubles en février 1794, probablement par les insurgés[2].

 

Ensuite, on retrouve dans l'administration municipale au tournant du siècle des personnes de la petite et moyenne bourgeoisie locale qui avaient pris le parti de la révolution et participèrent au nouveau régime. Henry Moreau (1758-1826) qui dirigea la garde nationale de la commune, participa au rétablissement de l'ordre républicain puis devint "agent municipal[3]" à partir de 1796. Il était président du conseil municipal de la Chataigneraie[4] deux ans plus tard et il fut à nouveau maire de Menomblet à partir de 1809.

 

Il y a également Jacques Paulleau père (1737-1823) qui fut également agent municipal de Menomblet, auquel Pierre Cornuau succéda avant que ce dernier ne cède la place à nouveau à Henri Moreau.

 

En élargissant le même cercle, on identifie la famille Martin, dont le père Benjamin, tisserand battit la campagne comme garde national aux côtés d'Henri Moreau et aurait acheté quelques biens nationaux[5].

 

Dans la génération de Louis Brillanceau, il y a les enfants Paulleau et ceux de Benjamin Martin.

 

Il y eut enfin un autre engagé volontaire identifié qui participa peut-être à l'émulation du jeune Louis. Il s'agit de François Merceron, le petit neveu de Louis Merceron qui s'engagea au sein de la compagnie franche de Mouilleron en Pareds en mars 1793 et fut tué en février 1794 par les rebelles alors qu'il étaient chez ses parents à Menomblet pour y rétablir sa santé[6]. Les deux engagés volontaires se sont certainement connus à travers les liens familiaux lointains qui unissaient les deux familles. Surtout, Louis Brillanceau épousa la sœur de François Merceron en 1816, à son retour à la vie civile.

 

Des connexions entre les soutiens du nouveau régime

 

Ce mariage entre l'ancien soldat de Napoléon et la fille d'une famille qui semble avoir pris le parti des "bleus" (de bon gré ou de mal gré on ne peut le dire) m'engage dans un léger détour sur cette petite société adepte du nouveau régime, probablement cernée par une majorité de vaincus, de leurs morts et de rancœurs.

 

Décrypter les liens entre ces personnes pour déterminer les contours du parti "bleu" puis de l'Empereur s'avère être une entreprise délicate, faute de documents autres que l'état civil.

 

Toutefois, les affinités et les solidarités au sein du corps municipal de Menomblet au cours de la révolution et de l'Empire furent certainement naturelles. A la tête de la garde nationale, Moreau, arrêta des rebelles avant d'incarner le nouveau pouvoir, tout comme Pauleau à sa suite ou bien Cornuau.

 

Également, j'ai fait quelques constats et relevé des coïncidences qui me semblent valoir d'être citées.

 

Les familles Paulleau et Martin se fréquentaient si l'on en juge par l'état civil, Jacques Pauleau et Benjamin Martin étaient d'ailleurs cousins germains. Le fils Martin et la fille de Jacques Paulleau se marièrent en 1805.

 

Avant de marier leur aînée, Marie, avec Louis Brianceau, les parents du jeune volontaire François Merceron, consentirent aux épousailles de leur fille Rose avec Jean Delhom, maçon, originaire des Basses Pyrénées. Il est possible qu'il ait été incorporé dans l'armée des Pyrénées occidentales avant de s'établir en Vendée car au moment de la dissolution de cette armée, trente-six bataillons partirent rejoindre l'armée de l'Ouest.

 

Benjamin Martin fut un des témoins de son mariage ainsi que pour la naissance d'un de ses enfants. De même que l'incontournable Moreau.   

 

La famille de Louis Brianceau ne fut pas en reste. Lorsque sa sœur Marie Brillanceau épousa Pierre Jolin en 1798, ses témoins furent "Jacques Paulleau fils et Marguerite Paulleau ses amis". Jacques Paulleau fut témoin à la naissance du fils de son autre sœur Louise et de Pierre Rouault en 1802. Pierre Rouault était par ailleurs parent de Benjamin Martin.

 

Il est possible que le humble soldat de l'Empire ait contribué à rehausser le prestige de sa propre famille aux yeux des tenants du pouvoir local. Avec la défaite puis la Restauration, le retour du désormais caporal Brianceau fut peut-être moins glorieux.  

 

[1] Les "blancs" désignait les vendéens en révolte par référence à la couleur royale, par opposition au "bleus" qui  étaient les soldats des armées républicaines.

[2] Voir le dictionnaire des Vendéens en ligne et dans l'ouvrage de Joseph Poupin "En passant par là"

[3] Ou "agent de la commune" car selon la constitution du 22 aout 1795, les communes de moins de 5000 habitants sont administrées par un agent municipal et son adjoint.

[4] Dans le même temps, c'est Jacques Paulleau qui était agent municipal de Menomblet avant que Pierre Cornuau ne lui succède.

[5] Voir ouvrage de Joseph Poupin précité

[6] Voir ouvrage de Joseph Poupin dans lequel il est fait référence à une demande d'indemnité des parents à cause de ce meurtre

La pacification finale (caricature anglaise)

La pacification finale (caricature anglaise)

 

Affectations et campagnes du soldat Brianceau

 

Compte-tenu de la durée de sa carrière, il participa à un nombre important de campagnes napoléoniennes. Son emprisonnement à Coimbra pendant 4 ans lui permit d'échapper à la terrible campagne de Russie et de revenir vivant de ce long périple de 22 ans.

 

Les chasseurs de Vendée

 

Il commença dans les chasseurs de Vendée, vraisemblablement de son plein gré et il ne quitta cette affectation que 6 ans plus tard, pour "entrer au service le 1er prairial an 7" (20 mai 1799) comme enrôlé volontaire dans la 70ème demi brigade.

 

Concernant les six années entre 1793 et 1799, je n'ai presque rien trouvé qui puisse dessiner un parcours ou bien un rôle dans l'armée.

 

Pour mémoire, les chasseurs furent institués dans l'armée française au cours du 18ème siècle. Les unités de chasseurs à pied faisaient partie de l'infanterie légère, avec pour mission "d'éclairer la marche des convois, servir d'avant-garde à un groupe armé, une colonne ou pour faire le service de tirailleurs".

 

Cette fonction appliquée au guerres de Vendée pourrait induire que ces chasseurs auraient été employés comme éclaireurs dans une région qu'ils connaissaient parfaitement. Si telle fut le cas, cela signifierait que Louis Brianceau a joué un rôle aux avant postes pour reconnaître le terrain et vérifier qu'il était praticable.

 

Un témoignage montre combien l'exercice de ces fonctions dans la tension permanente des embuscades et des combats devait être éprouvant. Ainsi, le représentant du peuple Musset au Conseil des Anciens demande en 1796 au ministre de la guerre à ce qu'il soit donné son congé à Joseph Musset (peut-être de la même famille), maréchal des logis, dans la 3ème compagnie des chasseurs de Vendée, étant donné que le jeune homme (qui porta les armes dès 14 ans !) a "tellement affaibli son tempérament par cinq années d'un service continuel qu'il est tombé dans un état de langueur qui ne lui permet plus de supporter les fatigues de la guerre[1]". 

 

... Puis la 70ème demi-brigade d'infanterie

 

Un rapide survol d'un peu plus d'un quart des pages du registre concernant la 70ème demi-brigade devenue le 70ème régiment montre un nombre réduit de Vendéens et aucune personne provenant des chasseurs de Vendée. Ce régiment intégré dans l'armée des côtes de l'Océan accueillit pourtant les soldats en provenance de bataillons de l'ensemble de l'ouest français,  du nord (Seine Maritime, Calvados) au centre ouest (Loire Atlantique, Charente) puis au sud (Dordogne, Pyrénées Atlantique) avec quelques bataillons  un peu éloignés de la zone (Oise) voire carrément excentrés (Vosges, Mont-Blanc, Vaucluse). D'autres viennent de bataillons très marqués par la Révolution : La République, Le Vengeur, L'Union etc.

 

Il intégra la demi-brigade comme soldat de base de l'infanterie de ligne en qualité de fusilier, puis le 16 février 1807, il devint grenadier[2] entrant ainsi dans l'élite de l'infanterie[3].

 

Une demi-brigade était alors composée d'un état major de 31 personnes, 3 bataillons à 9 compagnies dont 8 de fusiliers et une de grenadiers, complétés par une compagnie de canonniers. En campagne, quatre grenadiers par bataillon opéraient en tant que sapeurs. Chaque division comprenait en principe quatre régiments de ligne formant deux brigades.

 

Dans la bataille, l'infanterie française ne brillait pas par sa puissance de feu, le chargement des fusils[4] n'était pas efficace car elle avançait en rangs serrés. C'était les jambes et les baïllonnettes qui décidaient de l'issue du combat, après que les tirailleurs aient engagé l'action.

 

[1] Archive numérisée 1J1911 - archives privées pièces isolées (Archives départementales de la Vendée en ligne)

[2] Le grenadier devait avoir la taille minimale de 1.63 m (5 pieds et 4 pouces) et avoir deux années de bons états de services et une bonne conduite antérieure.

[3] Les informations qui suivent sont tirées de "L'armée de Napoléon, organisation et vie quotidienne" d'Alain Pigeard

[4] le fantassin français utilisait le fusil du modèle de 1777 modifié en 1801 qui servait d'arme à feu et d'arme blanche avec la baïllonnette (il atteignait presque deux mètres. Un bon tireur pouvait atteindre deux coups à la minute, parfois trois mais les conditions climatiques (en cas de pluie) pouvaient rendre l' utilisation du fusil très aléatoire.

 

Suite au prochain épisode

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