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Aussi loin que je me souvienne...

Depuis aussi loin que je me souvienne, j’aime les histoires.

 

Ce goût m’a conduit vers l’Histoire, grâce aux manuels de l’école primaire des années 60 qui nous entraînaient dans ces tentatives de reconstitution de la vie quotidienne des Gaulois et autres Vikings.

 

Les illustrations étaient sommaires et l’auteur concédait quelques incursions dans les biographies stéréotypées de ces héros qui ont fait la France : Vercingétorix, ce noble perdant, Jeanne d’Arc, cette fille du peuple qui remet son roi sur le trône ou bien ce jeune révolutionnaire de 15 ans qui sera assassiné par ces Vendéens obtus pour avoir clamé avec défi : « vive la République, à bas le Roi ».   

 

Vers l’âge de 14 ans, j’ai accompagné les premiers pas de ma mère dans la généalogie, à travers les registres paroissiaux de la petite mairie du village natal de bon nombre de ses ancêtres.

 

Je crois que j’aimais à la fois l’enquête poursuivie et le déchiffrage de ces actes d’état civil, me prenant sans doute un peu pour Champollion qui a trouvé les clés pour décrypter un monde lointain d’histoires quotidiennes.

 

Si loin et si proche, à l’instar de ce que nous racontent les graffitis de Pompéi.

 

Les actes notariés ont permis ensuite d’entrevoir un peu plus les personnes cachées derrière ces lignées et ces dates et m’ont amené à chasser les singularités au-delà des formules très classiques que l’on y trouve. Cette quête permet parfois de glaner quelques pépites comme cette lettre de Paris d’un orfèvre à sa femme aux fins de l’autoriser à prendre un bail et dans laquelle il se répand sur ses déboires judiciaires.

 

A partir de ces éléments épars, je trouve passionnant d’échafauder et d’ajuster des hypothèses à partir des éléments rassemblés et confrontés avec la grande histoire, dans un constant va-et-vient.

 

Dans ce travail, certains détails initialement négligés prennent un sens particulier tandis que d’autres n’ont pas le relief qu’ils promettaient au départ.

 

Ces très modestes assemblages permettent de donner un peu de chair à ces noms et d’esquisser certaines histoires singulières. C’est ce que je me propose de faire très modestement dans ce blog, tenter d’éclairer des fragments de vie de mes ancêtres, à la lumière de la grande histoire.

 

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20 octobre 2018 6 20 /10 /octobre /2018 18:34
La partie de cartes (Fernand Léger - 1917)

La partie de cartes (Fernand Léger - 1917)

La colonne de fantassins disparut dans la fumée, on entendit leur cri prolongé et une fusillade nourrie. Au bout de quelques instants, on vit revenir une foule de blessés et des civières. Des obus tombaient encore plus dru sur la batterie. Quelques hommes gisaient là sans qu'on les relevât. Autour des canons, les servants s'empressaient et redoublaient d'activité. Personne ne faisait plus attention à Pierre." (......) "Arrivé au galop des flèches, un aide de camp, le visage pâle, effrayé, annonça à Napoléon que l'attaque était repoussée, que Compans était blessé. Davout tué; or les flèches avaient été occupées par d'autres troupes au moment où l'on disait à l'aide de camp que les Français avaient été repoussés, et Davout était vivant mais légèrement contusionné seulement. En partant de rapports nécessairement faux, Napoléon prenait des dispositions qui avaient déjà prises ou qui ne pouvaient être appliquées et ne l'étaient pas

De la confusion du champ de bataille; de près ou de loin (Borodino à travers "Guerre et Paix" de Léon Tolstoï)

 

Dernière guerre de Vendée et deuxième campagne d'Italie (1799-1801)

 

"Entré au service le 1er prairial an 7 (20 mai 1799) comme enrôlé volontaire", le soldat Brianceau continua à opérer dans la campagne vendéenne désormais dans la 70ème demie-brigade, à l'occasion de la troisième guerre de Vendée[1] (14 septembre 1799-janvier 1800).

 

Au moment du coup d'Etat de Bonaparte le 18 brumaire de l'an 8 (9 et 10 novembre 1799) qui mit fin au Directoire, la situation des différentes armées françaises sur les différents fronts s'était redressée à l'automne mais demeurait peu brillante.

 

Parallèlement aux troubles en Vendée et en Bretagne, les troupes affrontaient aux frontières les forces alignées par la seconde coalition formée en 1798 entre l'Angleterre, l'Autriche, la Russie, la Sicile et la Turquie. Elles manquaient d'effectifs ce qui avait conduit à instaurer la conscription[2] avec un succès très mitigé. Les armées du Rhin et d'Italie surtout étaient démunies et les caisses de l'Etat étaient vides.

 

En févier 1800, Masséna, le commandant de l'armée d'Italie témoignait "L'armée est absolument nue et déchaussée (...)  La solde est arriérée de six à sept mois (....) Nous n'avons pas un brin de fourrage ni approvisionnements d'aucune espèce, pas un moyen de transport. (...) La Ligurie n'a plus d'approvisionnements d'aucune espèce, tout est épuisé. (...) J'ai mis toutes les troupes à la demi-ration, moi-même j'en ai donné l'exemple; l'habitant ne reçoit que trois onces de pain pour vingt-quatre heures".

 

En ce début d'année 1800, tandis que les pourparlers de paix initiés auprès de l'Angleterre et l'Autriche - les plus actifs au sein de la coalition -, peinaient à produire leurs effets, Napoléon poursuivait la réorganisation de l'armée avec la création d'une armée de réserve.

 

C'est l'offensive autrichienne en Italie contre les troupes françaises qui accéléra la mobilisation de cette armée constituée par décret du 1er mars 1800, Napoléon choisissant de voler au secours de Masséna replié sur Gênes, assiégée par les Autrichiens. 

 

Le contexte s'avéra propice. Avec la fin des troubles en Vendée et en Bretagne en janvier et février 1800, les troupes mobilisées dans la guerre civile purent désormais être affectées à l'armée de réserve. Le 8 mars 1800, l'ensemble des corps d'armée qui la constitueraient devaient rejoindre Dijon. Près de 40 000 hommes partirent pour accomplir la deuxième campagne d'Italie.

 

Ainsi, le 22 mars 1800, le général Brune qui commandait l'armée de l'Ouest fut requis d'envoyer trois corps d'armée à Dijon, dont la 70ème demi brigade[3] qui partit de Tours[4]. Le 28 avril, ordre fut donné de hâter la marche et d'abréger le temps de route en faisant deux journées d'étape en un seul jour lorsque cela sera jugé possible.

 

Afin d'entrer au plus vite en Italie, l'armée de réserve dut franchir les Alpes par le col du Grand Saint Bernard en Suisse, trop tard toutefois pour réaliser le plan imaginé par Napoléon de prendre en tenaille les Autrichiens entre son armée et celle de Masséna, ce dernier ayant été obligé de se rendre le 4 juin 1800. 

 

La 70e dépassa Dijon le 8 mai et atteignit le lac de Genève le 14 mai (à Nyon), elle fut placée alors sous les ordres du général Monnier et fut intégrée dans la 6e division de réserve.

 

Le 16 mai, la 70ème s'établit à Vevey, le lendemain, à Villeneuve à la pointe du lac de Genève puis redescendit plein sud vers l'Italie, via le col du Grand Saint Bernard.

 

Cette traversée que la propagande habile du futur empereur devait rendre légendaire,  ne fut pas malgré tout une promenade de campagne. En particulier, le passage de l'artillerie par le col s'effectua dans des conditions très éprouvantes.

Marmont, le général en chef de l'artillerie écrivit à Napoléon, afin de proposer des solutions face à une situation qu'il décrivait en ces termes " Si vous avez la bonté de penser à l'immensité du travail que le passage de l'artillerie nous cause, et si vous calculez en même temps la faiblesse de nos moyens, vous trouverez que nous avons fait beaucoup de besogne. Les paysans nous ont abandonnés; la rudesse du travail les en a dégoûtés; j'ai cependant prodigué l'argent pour les faire revenir. Je fais courir des officiers d'artillerie dans tous les villages et l'argent à la main (...) Je souhaite que ces moyens nous donnent des bras. Les canonniers sont en petit nombre, aussi nous ne pouvons faire usage que de leur intelligence et non de leurs bras. Les sapeurs sont tous partis. Le peu de mulets d'artillerie que j'ai m'échappent, par deux raisons: la première, c'est que le général en chef les emmène dans la vallée et les garde avec lui au lieu de me les renvoyer; la deuxième, c'est que les muletiers, pour lesquels je n'ai pu obtenir encore une paire de souliers et un habit, désertent par dizaines et se cachent dans les bataillons. Pour comble de malheur, nos mulets ne sont pas nourris, ou plutôt meurent de faim. J'ai employé un bataillon de la 59e et un détachement de 600 hommes de la division Loison à monter des pièces et porter des effets d'artillerie. Ils s'en sont tirés avec une peine excessive, et grâce aux coups que les officiers ont distribués (sic) : mais ils sont si fatigués, harassés et mécontents qu'il est impossible de les faire recommencer. "

 

L'étape difficile qui suivit fut de neutraliser les troupes autrichiennes présentes dans le fort de Bard qui domine la vallée d'Aoste. Ensuite l'armée de réserve put occuper la plaine italienne.

 

 

[1] La première guerre commence au printemps 1793 et s'achève avec la signature de l'accord de paix de La Jaunaye le 17 février 1795 au terme duquel notamment une amnistie est prononcée, les biens sont restitués  et les Vendéens sont dispensés de levées militaires et leurs armes leur sont laissées, les troupes républicaines se retirent, et la liberté de culte leur est accordée. La deuxième se déroula de juin 1795 à 1796.

[2] Les jeunes gens, appelés en vertu de loi du 23 août 1793, portaient le nom de réquisitionnaires tandis que les nouvelles recrues de la loi du 5 septembre 1798 (19 fructidor an 6) étaient dénommés "conscrits".

[3] composée alors de 2400 hommes.

[4] Elle effectua le trajet d'abord le long de la Loire, par Blois et Beaugency puis Auxerre, Avallon et Dijon.

 

Plan de l'Italie du nord où se déroule la deuxième campagne

Plan de l'Italie du nord où se déroule la deuxième campagne

Avec la prise imminente de Gênes, Napoléon opta pour un stratégie un peu différente en décidant de fortifier Milan et tenir la ligne du Pô entre Alessandria et Mantoue afin de fermer l'essentiel des lignes de retraite des différentes troupes autrichiennes. La progression vers Milan conduisit à plusieurs batailles.

 

D'abord, le franchissement de la rivière du Tessin par Murat (31 mai), mobilisa plusieurs régiments dont la 70ème demi brigade, placée à l'avant garde. On en retrouve des traces dans les dossiers militaires de plusieurs soldats qui furent blessés à cette occasion. Ensuite ce fut la prise du village de Turbigo et le 2 juin, les troupes (dont notre fameuse demi-brigade) entrèrent à Milan.

La 70ème demi-brigade accompagna les mouvements visant à verrouiller le Pô pour interdire la retraite des troupes autrichiennes, avant le choc des armées française et autrichienne à Marengo, point d'orgue de cette campagne. D'abord ce fut Pavie puis la traversée difficile du Pô le 8 juin pour rejoindre la position stratégique de Stradella. Sans l'artillerie demeurée de l'autre côté du fleuve, ce qui conduisit le général Monnier[1] à esquiver les affrontements avec des détachements autrichiens, avant de rejoindre d'autres divisions françaises.

Le lendemain se déroula un avant goût de Marengo avec la bataille de Montebello que les Autrichiens perdirent malgré leur supériorité numérique.

Le rassemblement des différentes divisions françaises commençait et c'est ce moment là que choisit le général autrichien von Mélas pour enfoncer le front français devant la ville d'Alessandria, à Marengo. La 70ème demi brigade[2] qui était demeuré en arrière en réserve, se trouvait le matin du 14 juin 1800 à Torre di Garofoli (soit à 9 kms du champ de bataille). Le général Monnier qui la dirigeait se porta sur le front nord (prise du village de Castelceriolo). Il fit retraite vers San Giulano Nuovo avec le gros des troupes françaises[3] dépassées par les Autrichiens, avant que l'offensive ne reprenne avec l'arrivée des troupes de Desaix.

L'armistice entre les deux armées fut signé le 15 juin et la division Monnier fit mouvement vers la ville de Bologne qu'elle atteignit le 28 juin 1800. Le 19 octobre 1800, elle prenait la ville d'Arrezzo, sans que je puisse ensuite déterminer à quelle date la seconde campagne d'Italie s'acheva pour notre soldat.

 

[1] Elle obtenait 8 pièces d'artillerie seulement le 12 juin.

[2] A ce moment, elle comptait 1410 soldats

[3] Sur le champ de bataille, elles étaient inférieures numériquement avec une artillerie bien moindre que les troupes autrichiennes.

 

 

Soldats napoléoniens (Nicolas-Toussaint Charlet 1792-1845)

Soldats napoléoniens (Nicolas-Toussaint Charlet 1792-1845)

 

Les épreuves d'une armée en campagne

 

Avant de poursuivre l'examen du parcours de Louis Brianceau, quelques mots sur le quotidien d'un régiment napoléonien en campagne m'apparaissent nécessaire.

 

L'une des clés du succès des armées napoléoniennes fut leur très grande mobilité. Cela se voit à l'examen des déplacements opérés par la 70ème demi-brigade par exemple qui en un peu plus d'un mois seulement (du 28 avril au 31 mai), va de Tours où elle était cantonnée jusqu'aux rives du Tessin.

 

Elle rejoignit d'abord à marche forcée Dijon, parcourant 455 kms à pied en 13 jours, soit une trentaine de kms par jour. Puis le parcours Dijon-Nyon aux bords du lac Léman fut effectué au prix de 24 kms par jour. Enfin, et jusqu'aux rives du Tessin, le rythme fut plus lent à raison de 17 kms par jour mais c'est un beau record puisqu'ils franchirent les Alpes. Mais ce ne fut pas le maximum obtenu par les troupes : les soldats de Davout effectuèrent 120 kms en deux jours avant de combattre à Austerlitz.

 

Ces exploits étaient d'autant plus méritoires si l'on songe que les soldats avaient des chaussures de même modèle et des semelles parfois proches du carton, avec une paire de rechange. Les pauses étaient réglementées. Un arrêt d'une heure et demie intervenait à mi-chemin (la "grande-halte "), tandis qu'au quart et aux trois-quarts de la route le soldat s'arrêtait une demi-heure. Enfin une courte pause de 5 à 10 minutes était accordée aux marcheurs toutes les heures[1]. Il y avait la marche simple et la marche de guerre, cette dernière devant permettre d'affronter l'ennemi à tout moment.

 

 

Les soldats marchaient avec un barda lourd contenant des habits, de la nourriture, des chaussures notamment et dont le poids affichait jusqu'à 30 kilos. Le soir, il s'agissait de mettre en place le bivouac. Les tâches étaient réparties entre la cuisine, la construction d'abris, le nettoyage des armes et l'inspection des équipements. ils dormaient alors tout habillés, au coin du feu et préféraient bien sûr le cantonnement ou bien le logement chez l'habitant.

 

 

Une armée qui marche beaucoup doit être nourrie correctement. La base de l'alimentation du soldat napoléonien[2] c'était d'abord le biscuit et le pain de munition, rond comme un boulet de canon et censé tenir deux jours. Le biscuit était une sorte de pain très dur, tenant son nom au fait qu'il était deux fois cuit. Il était rond jusqu'en 1812 (où il devient carré pour une question de stockage) et d'un poids de 275 grammes. La dureté du biscuit en faisait un complément idéal pour la soupe. Au delà de cette alimentation de base, le soldat pouvait recevoir des légumes secs et du riz. Les apports en protéines provenaient de deux types de viande soit fraiche soit salée.

Ils recevaient également du sel afin de parer à la dysenterie notamment.

 

 

Le stock de denrées alimentaires sur le parcours nécessitait une planification. Ce ne fut malheureusement pas toujours le cas dans le trajet ou surtout sur le théâtre des opérations.

 

[1] "marches et bivouacs dans les armées napoléoniennes" (Vincent Rolin)

[2] voir sur cette question "L'alimentation du soldat pendant la campagne de 1812" - François-Xavier Meigner Mémoire de Master 2

 

 

 

 

Soldats au bivouac (Nicolas-Toussaint Charlet)

Soldats au bivouac (Nicolas-Toussaint Charlet)

 

Pour cette deuxième campagne d'Italie qui semble avoir particulièrement planifiée, Napoléon précise dès le 1er mars 1800 à Alexandre Berthier les produits nécessaires à rassembler à Genève le plus tôt possible à savoir, 1,5 millions de rations de biscuits, 100,000 pintes d'eau-de-vie, 100,000 boisseaux d'avoine ainsi qu'un parc de 1000 bœufs qui devait être réuni à Bourg (département de l'Ain) pour le 1er germinal (22 mars 1800).

 

 

Dupont écrivit à Lannes le 10 mai 1800 de Genève :" Conformément aux ordres du général en chef, citoyen Général, vous vous rendrez, le 23, à Saint-Maurice (en Suisse) avec l'avant-garde que vous commandez, et vous ferez prendre à Villeneuve du biscuit à la troupe pour les 23, 24, 25 et 26 (13, 14, 15 et 16 mai). Dans la journée du 24, vous serez rendu à six lieues au delà de Saint-Maurice, et, le 25, vous vous trouverez au pied du Grand-Saint-Bernard. En passant à Saint-Pierre, vous prendrez du biscuit pour trois jours, 27, 28 et 29 inclus."

 

 

En effet et parallèlement à l'avancée des troupes, c'est tout une organisation logistique qui devait se déployer tout au long du parcours. Quand tout fonctionnait de manière satisfaisante, la distribution des vivres se faisait à chaque point d'étape où elles étaient entreposées, à peu près tous les 30 ou 40 kms. Dans ces magasins, il y avait des denrées alimentaires mais aussi de l'avoine pour les chevaux. Le service des subsistances désignait pour chacune des divisions des préposés à la fourniture des vivres et des fourrages.

 

Le 15 mai 1800, Berthier le désormais général en chef de l'armée de réserve  établi à Villeneuve fait le point au premier Consul demeuré à Lausanne : "On avait reçu hier soir 447,480 rations de biscuit. On a envoyé à Martigny 110,636 rations; il en a été distribué 60,000. Il en restait en magasin 276,744 rations sur laquelle quantité la division Chambarlhac va être fournie. Il vient d'arriver ce matin 136,000 rations de biscuit, 300 quintaux de blé et 200 sacs d'avoine. Trois bateaux sont près d'arriver, dont un chargé d'effets d'hôpitaux. Il a été envoyé à Martigny 178 barils d'eau-de-vie. Il en reste 122 barils. Les moyens de transports manquent ici. Il me paraît indispensable que vous fassiez donner l'ordre à la chambre administrative du Léman d'envoyer sur-le champ au moins 200 voitures à Villeneuve, pour porter du biscuit à Martigny."

Dans un courrier du même jour adressé cette fois ci au chef de l'état-major, Berthier donne l'ordre que le reste des vivres disponible après le passage de la division de Chambarlhac soit envoyé à Saint Pierre au pied du Grand Saint Bernard, afin que celle-ci soient distribuées pour le parcours qui les attend dans la vallée d'Aoste. Il précise à cet égard " Il est extrêmement important que nous prenions des mesures pour tâcher de nourrir l'armée dans la vallée d'Aoste pendant environ quatre à cinq jours, ce qui servira dans le cas que nous ne puissions pas déboucher aussi vite que nous le désirons. On dit la vallée d'Aoste entièrement ruinée." Il précise aussi qu'il est nécessaire  de prendre des mesures pour assurer à Villeneuve et sur la route les vivres pour environ 10,000 hommes qui suivent la division Chambarlhac.

 

Le même jour, Napoléon qui s'inquiète du fourrage pour les chevaux écrit à Berthier qu'il est nécessaire de prendre des mesures pour la cavalerie, si l'on veut éviter que les chevaux arrivent morts en Italie.

 

La logistique était loin d'être toujours au rendez-vous malgré les différentes initiatives législatives pour corriger les difficultés. Sur le terrain, les efforts d'organisation des bureaux de l'Administration de la guerre, en charge de la logistique via des entreprises spécialisées de transport de vivres, peinaient à porter leurs fruits. Bien des obstacles persistèrent : le vol d'une partie des rations et les trafics ou bien l'incapacité à rassembler les quantités nécessaires ou encore le trop lent convoyage des denrées qui arrivaient "après la bataille". Les populations des régions traversées étaient mis à contribution pour conduire les convois ou bien, plus prosaïquement, par des réquisitions des stocks de produits alimentaires. Faute de régularité, les soldats étaient réduits à la maraude bien que celle-ci soit sévèrement punie.

 

Paix d'Amiens : Napoléon embrasse la reine d'Angleterre

Paix d'Amiens : Napoléon embrasse la reine d'Angleterre

La lune de miel est déjà finie : inspection du camp de Boulogne par Napoléon (1804)

La lune de miel est déjà finie : inspection du camp de Boulogne par Napoléon (1804)

L'armée des côtes de l'Océan et campagne dans l'armée du Nord (1804 - 1805)

 

Il est difficile de reconstituer le trajet de la 70ème demi-brigade (devenue en 1803 le 70ème régiment d'infanterie), entre la fin de la campagne d'Italie et 1805.

 

Je livre les quelques repères identifiés qui forment une trame - un peu floue - des péripéties dans lesquelles notre soldat a pu être embarqué.

 

Dans "l'historique du 70ème régiment d'infanterie de ligne" (1875 - disponible sur Gallica), l'auteur précise que "le 70ème servit au camp de Brest pendant les ans XII et XIII; il occupa ensuite Belle-Ile. Il fut embarqué pendant l'an XIV. EN 1806 on le retrouve d'abord à l'armée du Nord, puis sur la flottille et enfin à l'armée des côtes de l'ouest."

 

Le descriptif est approximatif et se trouve partiellement contredit par d'autres sources concernant l'armée des Côtes de l'Océan affectée - selon celles-ci - au camp de Boulogne, ou bien par les dossiers militaires du 70ème régiment qui placent le passage dans l'armée du nord en 1805. Par ailleurs, ce sont les forces mobilisées au camp de Boulogne qui rallièrent directement le nouveau théâtre des opérations en Allemagne puis en Autriche, dans les suites de la troisième coalition contre la France.

 

En croisant les informations, il est possible que le régiment ait opéré en Bretagne au cours des 13 mois de paix générale en Europe obtenue par le Traité d'Amiens (25 mars 1802), avant d'être affecté au camp de Boulogne, puis dans l'armée du nord.

Ce camp[1] regroupait une armée mise sur pied à la suite de la rupture de la paix d'Amiens, dans l’objectif d'un débarquement en Angleterre. Pendant deux années en effet, Napoléon organisa cette armée qui deviendra ensuite la première "Grande armée". Il fit construire des navires à fond plat, des forts et aménager des ports afin de préparer une invasion qui n'eut jamais lieu.

 

Il apparaît toutefois que l'entraînement régulier de cette puissante armée constitua un atout au moment où sa mobilisation fut nécessaire à la mi-août 1805 pour contrer l'armée autrichienne lors de la campagne d'Allemagne. Cette campagne éclair d'aout à décembre 1805 fut un véritable succès pour la France, la bataille d'Austerlitz en constituant le point d'orgue.

 

[1] En réalité pas un seul mais trois grands camps — Bruges (Gand), Saint-Omer (Camp de Boulogne, Outreau, Wimille, Wimereux, Ambleteuse), Camp de Montreuil (Étaples)

Suite et fin au prochain épisode

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