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Aussi loin que je me souvienne...

Depuis aussi loin que je me souvienne, j’aime les histoires.

 

Ce goût m’a conduit vers l’Histoire, grâce aux manuels de l’école primaire des années 60 qui nous entraînaient dans ces tentatives de reconstitution de la vie quotidienne des Gaulois et autres Vikings.

 

Les illustrations étaient sommaires et l’auteur concédait quelques incursions dans les biographies stéréotypées de ces héros qui ont fait la France : Vercingétorix, ce noble perdant, Jeanne d’Arc, cette fille du peuple qui remet son roi sur le trône ou bien ce jeune révolutionnaire de 15 ans qui sera assassiné par ces Vendéens obtus pour avoir clamé avec défi : « vive la République, à bas le Roi ».   

 

Vers l’âge de 14 ans, j’ai accompagné les premiers pas de ma mère dans la généalogie, à travers les registres paroissiaux de la petite mairie du village natal de bon nombre de ses ancêtres.

 

Je crois que j’aimais à la fois l’enquête poursuivie et le déchiffrage de ces actes d’état civil, me prenant sans doute un peu pour Champollion qui a trouvé les clés pour décrypter un monde lointain d’histoires quotidiennes.

 

Si loin et si proche, à l’instar de ce que nous racontent les graffitis de Pompéi.

 

Les actes notariés ont permis ensuite d’entrevoir un peu plus les personnes cachées derrière ces lignées et ces dates et m’ont amené à chasser les singularités au-delà des formules très classiques que l’on y trouve. Cette quête permet parfois de glaner quelques pépites comme cette lettre de Paris d’un orfèvre à sa femme aux fins de l’autoriser à prendre un bail et dans laquelle il se répand sur ses déboires judiciaires.

 

A partir de ces éléments épars, je trouve passionnant d’échafauder et d’ajuster des hypothèses à partir des éléments rassemblés et confrontés avec la grande histoire, dans un constant va-et-vient.

 

Dans ce travail, certains détails initialement négligés prennent un sens particulier tandis que d’autres n’ont pas le relief qu’ils promettaient au départ.

 

Ces très modestes assemblages permettent de donner un peu de chair à ces noms et d’esquisser certaines histoires singulières. C’est ce que je me propose de faire très modestement dans ce blog, tenter d’éclairer des fragments de vie de mes ancêtres, à la lumière de la grande histoire.

 

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4 juillet 2010 7 04 /07 /juillet /2010 21:55

Quelques mots concernant la Réforme

 

Lancée avec fracas par Luther en 1517, la Réforme qui s’est appuyée sur la pensée de pré-réformateurs se construit sur un christianisme en crise.

 

 

 

l'enfer de bosch Hieronymus_Bosch_040.jpg

 (détails du tryptique du jardin des délices terrestres (1503-1504) de Jérôme Bosch)

 

L’institution ecclésiastique ne répond plus aux angoisses spirituelles de ses fidèles devenus plus éduqués et plus exigeants. Tandis que le haut clergé  continue de se désintéresser de sa mission spirituelle, le clergé local est peu apte à répondre aux attentes d’une population dont il est lui-même issu et dont il partage les rites et les peurs.

 

Les abus du haut clergé avec le trafic des indulgences vont constituer un catalyseur de la crise.

 

En effet, si ces dérives sont connues et raillées depuis longtemps par beaucoup  (les moines paillards, les curés ignorants et les prélats soucieux d’accumuler des bénéfices ecclésiastiques font partie des stéréotypes), elles deviennent à ce moment précis, intolérables.

 

  Luther Lucas  Calvin2

Martin Luther (1483-1546)           Jean Calvin (1509-1564)

  

«La dénonciation répétée, virulente, des mœurs et des pratiques du clergé romain conduit inévitablement à une prise de conscience sur la fonction de ce clergé, sur sa raison d’être. L’interrogation dès lors revêt une tout autre signification que celle sarcastique ou indulgente sur la crasse des moines les mœurs des curés, le raffinement onéreux des prêtres ; elle glisse sur un terrain dogmatique que, celui du sacré, qui devient la question fondamentale : des professionnels de l’intercession, des médiateurs entre le ciel et la terre pourquoi faire ? Aussi, bien des intellectuels, bien des prêcheurs, flagellateurs impitoyables des tares de l’institution, se trouvent-ils bientôt au-delà de la critique séculaire et admise (….) contraints de faire marche arrière ou de franchir la frontière ténue qui sépare l’orthodoxie de l’hérésie » (« Les Protestants au XVIème siècle » Janine Garrisson, page 145).

   

En France, les tentatives de réforme de l’intérieur menées par des humanistes chrétiens à l’instar des membres du cénacle de Meaux feront long feu.

   

Le contexte est mûr pour que Calvin diffuse ses idées développées dans l’ « institution de la religion chrétienne » et pour qu’il veille - de Genève où il met en pratique la "cité idéale" - à l’organisation de la nouvelle église en France.

    

Une nouvelle religion …

   

La doctrine développée par les réformateurs conçoit un nouveau rapport entre l’homme et Dieu, validant en quelque sorte cette devotio moderna qui postulait dès la fin du Moyen Age une piété plus individuelle faite de méditation intérieure.

 

 L’homme est sauvé par le don de la grâce de Dieu[1]. Il doit ainsi témoigner dans sa vie quotidienne de cette gratification du salut, ses actions et sa dévotion devant être un témoignage de sa reconnaissance.

 

 L’unique source de la foi se trouve dans la Bible qui est la parole de Dieu révélée aux hommes. Aussi la réflexion autour de la parole de Dieu est elle importante et doit nécessairement avoir pour base un texte traduit en langue vernaculaire. Le catéchisme et le prêche prennent une importance particulière.

 

rembrandt.jpg    

Rembrandt - "La leçon d’anatomie du Professeur Tulp” (1632)

 

Le sacerdoce universel affirme l’égalité de tous les baptisés, chaque homme étant prophète, prêtre et roi. Le baptême est d’ailleurs avec la communion l’un des deux seuls sacrements essentiels que l’on retrouve dans les Ecritures.

 

Enfin, la position des réformateurs qui sera la plus inacceptable pour l’église de l’époque a  trait à l’Eucharistie.

 

Pour les réformateurs, l’eucharistie ne représente pas la transformation des espèces, pain et vin en corps et sang du Christ. Le Christ est présent dans les espèces selon Luther tandis que Calvin estime que la présence du Christ est spirituelle au moment de la communion.

 

… qui appelle une organisation différente

 

Cette doctrine va conduire à une nouvelle organisation de l’Eglise.

   

Le sacerdoce universel et le salut par la foi rendent inutiles les intercesseurs professionnels que sont les moines, les couventines, les prêtres et condamnent de facto toute démarche collective (pèlerinages, carême) ou individuelle (offrandes, indulgences) pour le rachat des fautes des chrétiens.

 

La mise en place des fondations de la nouvelle église constitue un sujet majeur pour Calvin, qui à partir de son expérience genevoise et à la demande des premiers protestants français va concevoir une organisation adaptée à la doctrine qu’il défend.

   

Ainsi, à une phase d’expansion informelle de la réforme en France succède rapidement une phase d’institutionnalisation qui sera basée sur la Discipline votée par le synode de Paris en 1559 (organisation dite «synodo-presbytérale »).

 

synode-de-montpellier.jpg

 

Synode national de Montpellier (1598)

 

Il importe en effet de mettre en place des institutions qui permettent à la fois l’unité des églises et la pureté de la doctrine non plus à travers une hiérarchie ecclésiastique honnie mais à l’aide d’une organisation qui évoque une ébauche de démocratie. 

 

Chaque église est dirigée par un consistoire, composé d’un ou plusieurs pasteurs (selon l’importance de la communauté), des anciens et des diacres chargés d’assister le pasteur.

   

Si le pasteur distribue la communion et le baptême se sont les anciens et les diacres qui administrent ces deux sacrements. Les diacres sont plus particulièrement chargés de collecter et distribuer les aumônes tandis que les anciens du consistoire sont plutôt chargés de faire régner l’ordre moral dans la communauté, veillant à maintenir les bonnes mœurs et à éviter tout scandale ou écart de conduite. Ce sont eux qui établissent la liste des fidèles admis à la cène.

 

Localement, plusieurs consistoires voisins se réunissaient en principe deux fois par an en colloque pour l’examen de questions pratiques concernant les finances ou la discipline.

   

Annuellement, le synode provincial assemblait un pasteur et un ancien de chaque église. Il se chargeait de tâches plus importantes telles que le recrutement des pasteurs, l’arbitrage des conflits entre personnes ou communautés aussi bien que le traitement de questions doctrinales ou disciplinaires. Le synode provincial jouait le rôle de courroie de transmission entre synode national et églises locales.

   

Les synodes provinciaux envoyaient sur convocation des ministres et laïcs éminents à titre de délégués au synode national, assemblée aux compétences multiples, tenue en présence d’un commissaire du roi, qui se réunit vingt-neuf fois entre 1559 et 1659. En tant que quasi Parlement, le synode national était seul habilité à amender la Discipline, cette colonne vertébrale du protestantisme français.

   

Le pasteur, un professionnel de la Bible

   

Dans ce cadre doctrinal, le pasteur occupe une place particulière d’interprétation de la parole divine. Il est d’ailleurs dénommé « ministre du saint évangile » ou encore « ministre de la parole de Dieu ».

   

Si en tant qu’autorité spirituelle et guide de la communauté il occupe une place à part et se doit d’avoir une conduite morale irréprochable, il n’en demeure pas moins un homme comme les autres.

   

Il n’est pas ainsi dépositaire du sacré comme peuvent l’être les prêtres de l’église catholique, il est au service d’une communauté qui le nomme ou le révoque.

 

templedeLyon.jpg

 

temple de Lyon dit "paradis" (vers 1565)

 

 

« Examiné, certes, il l’a été, mais par ses semblables, dans un haut lieu du protestantisme, à moins qu’il n’ait subi son examen de passage devant un synode provincial où l’ancien compte autant de poids que le théologien affirmé. Plus tard, nommé à une église, il a une fois encore prêché devant les fidèles et le consistoire ; ceux-ci l’acceptent s’ils s’estiment satisfaits de son éloquence, de sa prestance, de son charisme, sinon ils peuvent le refuser. Devenu berger d’un troupeau, le ministre n’en est pas pour autant au bout de ses peines. »

 

« Dans les grandes métropoles du calvinisme, au coude à coude avec les magistrats royaux et municipaux, il se bat pour construire la Genève théocratique de ses rêves. Alors, il est un chef puissant et respecté, porteur de la Parole et des sacrements, dépositaire dans les assemblées, les synodes et les controverses publiques de l’honneur religieux de la ville (….) Mais pour ceux dont la notoriété dépasse leurs églises, combien sont attachés à des communautés sans gloire dont il faut desservir les écarts par tous les temps, combien sont mal payés ou pas payés du tout si les fidèles ne veulent pas mettre la main à la bourse ! (…) Combien aussi, dans leur étroite bourgades, subissent les mauvaises humeurs et les critiques du consistoire, porte parole aigre des fidèles, et parfois même se trouvent en butte aux insolences des ouailles ! » .

(« l’Edit de Nantes et sa révocation, histoire d’une intolérance » – Janine Garrisson page 38)

 

 



[1] La prédestination postule que Dieu, aurait choisi de toute éternité, et secrètement, ceux qui seront graciés et auront droit à la vie éternelle. Pour Calvin, il y a double prédestination car Dieu aurait choisi de toute éternité non seulement ceux qui bénéficient de sa grâce mais aussi ceux qui méritent la damnation éternelle.

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