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Aussi loin que je me souvienne...

Depuis aussi loin que je me souvienne, j’aime les histoires.

 

Ce goût m’a conduit vers l’Histoire, grâce aux manuels de l’école primaire des années 60 qui nous entraînaient dans ces tentatives de reconstitution de la vie quotidienne des Gaulois et autres Vikings.

 

Les illustrations étaient sommaires et l’auteur concédait quelques incursions dans les biographies stéréotypées de ces héros qui ont fait la France : Vercingétorix, ce noble perdant, Jeanne d’Arc, cette fille du peuple qui remet son roi sur le trône ou bien ce jeune révolutionnaire de 15 ans qui sera assassiné par ces Vendéens obtus pour avoir clamé avec défi : « vive la République, à bas le Roi ».   

 

Vers l’âge de 14 ans, j’ai accompagné les premiers pas de ma mère dans la généalogie, à travers les registres paroissiaux de la petite mairie du village natal de bon nombre de ses ancêtres.

 

Je crois que j’aimais à la fois l’enquête poursuivie et le déchiffrage de ces actes d’état civil, me prenant sans doute un peu pour Champollion qui a trouvé les clés pour décrypter un monde lointain d’histoires quotidiennes.

 

Si loin et si proche, à l’instar de ce que nous racontent les graffitis de Pompéi.

 

Les actes notariés ont permis ensuite d’entrevoir un peu plus les personnes cachées derrière ces lignées et ces dates et m’ont amené à chasser les singularités au-delà des formules très classiques que l’on y trouve. Cette quête permet parfois de glaner quelques pépites comme cette lettre de Paris d’un orfèvre à sa femme aux fins de l’autoriser à prendre un bail et dans laquelle il se répand sur ses déboires judiciaires.

 

A partir de ces éléments épars, je trouve passionnant d’échafauder et d’ajuster des hypothèses à partir des éléments rassemblés et confrontés avec la grande histoire, dans un constant va-et-vient.

 

Dans ce travail, certains détails initialement négligés prennent un sens particulier tandis que d’autres n’ont pas le relief qu’ils promettaient au départ.

 

Ces très modestes assemblages permettent de donner un peu de chair à ces noms et d’esquisser certaines histoires singulières. C’est ce que je me propose de faire très modestement dans ce blog, tenter d’éclairer des fragments de vie de mes ancêtres, à la lumière de la grande histoire.

 

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30 mai 2010 7 30 /05 /mai /2010 19:55

abjuration liège-copie-5

 

 

 

Ce que révèle l’abjuration de Jean Liège

 

Deux détails de l’abjuration de Jean Liège attirent l’attention et suggèrent des hypothèses.

 

En premier lieu, il est dit « cy-devant » procureur et donc n’exerce plus sa profession au moment des faits. Or, l’interdiction d’accès des Protestants à des métiers dont les carrières juridiques notamment a été renouvelée à plusieurs reprises jusqu’à une déclaration du roi du 15 juin 1682 qui leur interdit d’exercer toute fonction judiciaire.

 

Il est vrai que l’interdiction n’a semble-t-il pas été appliquée dans toute sa rigueur[1]. Cette situation est confirmée en particulier par certains actes d’abjurations pour lesquels l’intéressé est « advocat au siège présidial » ou bien « procureur » (ce qui est le cas de Pierre Beaupoil qui est le beau-frère de Jean Liège).

 

Pourquoi alors Jean Liège aurait-il fait l’objet d’une rigueur particulière[2]?

 

Deux suppositions peuvent peut-être expliquer que l’interdiction lui a été appliquée.

 

D’abord, il n’a peut-être pas été homme à faire « profil bas », refusant  ainsi d’afficher une attitude de compromis face aux pressions religieuses. Il est d’ailleurs apparemment  intervenu en tant que procureur en 1678 et en 1679 dans une affaire concernant l’église de Niort, marquant d’une certaine manière publiquement son protestantisme et son souci de d’assister ses coreligionnaires.

 

Il est possible aussi que dans une société corporatiste marquée par les réseaux et les protections, il n’a tout simplement pas eu les relations nécessaires pour continuer à exercer sa profession, malgré l’interdiction. Il n’en demeure pas moins que la période a dû être difficile aussi sur le plan financier pour cette famille.   

 

Hugenottenflucht.jpg

(la fuite des huguenots de France)

 

En second lieu, l’acte d’abjuration, qui mentionne l’absence du fils aîné Jean « absen du royaulme depuis 4 ans », laisse supposer que les parents Liège ont dû l’envoyer (avec son frère Thomas ?) dans un royaume « ami » pas seulement pour mettre deux de leurs enfants à l’abri au moment des dragonnades[3].

 

Au moins dans un premier temps, ils ont pu envisager d’envoyer leur fils Jean en Angleterre afin qu’il prépare le terrain pour une émigration de l’ensemble de la famille.

 

Par la suite, l’argent venant à manquer, les obstacles divers à la réalisation du projet, notamment l’interdiction de quitter le royaume et le contrôle strict aux frontières, ont dû remettre en cause du projet

 



[1] Dans son article précité, M. Thulot précise « (…)  nous avons été très surpris de trouver des réformés exerçant des professions qu'ils n'auraient logiquement pas dû exercer, comme celles d'avocats et de procureurs au présidial. »

[2] le terme « ci-devant » sonne comme la marque de la punition. Eut-il été dans l’incapacité d’exercer sa profession pendant plusieurs années pour des raisons de santé, il semble plausible qu’il serait demeuré comme procureur aux yeux de la société. 

[3] Elie Benoist précise qu’en 1681, les dragonnades ont soulevé l’indignation des royaumes protestants et que le roi d’Angleterre à proposé d’accueillir notamment les enfants des protestants français.

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