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Aussi loin que je me souvienne...

Depuis aussi loin que je me souvienne, j’aime les histoires.

 

Ce goût m’a conduit vers l’Histoire, grâce aux manuels de l’école primaire des années 60 qui nous entraînaient dans ces tentatives de reconstitution de la vie quotidienne des Gaulois et autres Vikings.

 

Les illustrations étaient sommaires et l’auteur concédait quelques incursions dans les biographies stéréotypées de ces héros qui ont fait la France : Vercingétorix, ce noble perdant, Jeanne d’Arc, cette fille du peuple qui remet son roi sur le trône ou bien ce jeune révolutionnaire de 15 ans qui sera assassiné par ces Vendéens obtus pour avoir clamé avec défi : « vive la République, à bas le Roi ».   

 

Vers l’âge de 14 ans, j’ai accompagné les premiers pas de ma mère dans la généalogie, à travers les registres paroissiaux de la petite mairie du village natal de bon nombre de ses ancêtres.

 

Je crois que j’aimais à la fois l’enquête poursuivie et le déchiffrage de ces actes d’état civil, me prenant sans doute un peu pour Champollion qui a trouvé les clés pour décrypter un monde lointain d’histoires quotidiennes.

 

Si loin et si proche, à l’instar de ce que nous racontent les graffitis de Pompéi.

 

Les actes notariés ont permis ensuite d’entrevoir un peu plus les personnes cachées derrière ces lignées et ces dates et m’ont amené à chasser les singularités au-delà des formules très classiques que l’on y trouve. Cette quête permet parfois de glaner quelques pépites comme cette lettre de Paris d’un orfèvre à sa femme aux fins de l’autoriser à prendre un bail et dans laquelle il se répand sur ses déboires judiciaires.

 

A partir de ces éléments épars, je trouve passionnant d’échafauder et d’ajuster des hypothèses à partir des éléments rassemblés et confrontés avec la grande histoire, dans un constant va-et-vient.

 

Dans ce travail, certains détails initialement négligés prennent un sens particulier tandis que d’autres n’ont pas le relief qu’ils promettaient au départ.

 

Ces très modestes assemblages permettent de donner un peu de chair à ces noms et d’esquisser certaines histoires singulières. C’est ce que je me propose de faire très modestement dans ce blog, tenter d’éclairer des fragments de vie de mes ancêtres, à la lumière de la grande histoire.

 

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1 avril 2012 7 01 /04 /avril /2012 01:57

Jean Philippe Rameau - Les Indes galantes (l'air des sauvages)

 J’ai tenté d’établir un récapitulatif des tribus amérindiennes installées en Nouvelle-France (Acadie, Haut et Bas-Saint Laurent) ou bien ayant développé un lien particulier avec le colonisateur français,  comme les Abénaquis.

 

Je précise les différents noms lorsque cela est possible bien que toute exhaustivité soit un peu illusoire en la matière.

 

En effet, on est confronté aux noms différents attribués aux tribus par les Français ou les Anglais qui différèrent bien souvent, selon qu'un voyageur avait rencontré un groupe de nomades à un endroit et un autre voyageur, dans un autre.

 

Par ailleurs s’il existe deux grandes familles linguistiques (Iroquoienne, Algonkienne), il eut nombre de dialectes qui furent comptés comme langues distinctes et donc parlées par des groupes différents.

 

Certains groupes décrits à l’époque n’existent plus ou bien sont englobés aujourd’hui dans des groupes ethniques plus larges.

 

A cet égard, les Etchemins du 17ème siècle semblent être unanimement rattachables aux Malécites, tandis que les Armouchiquois seraient des Abénakis de l’Est (Pentagouets en français et Penobscots en anglais).

localisation-micmac.jpg

Localisation des Micmacs et Malécites dont les Passamaquoddy

Les nations du levant : Micmacs, Malécites et Abénakis

 

Au moment de la colonisation, ces trois peuples de langue algonquienne occupaient les territoires suivants:

 

- Pour les Micmacs, la Nouvelle Ecosse et le Nouveau Brunswick actuel ainsi que la Gaspésie ;

- Pour les Malécites («Maliseet » pour les Anglais), la frange ouest du Nouveau Brunswick ainsi que la côte sud du Québec (régions de Chaudière-Appalache et du Bas Saint Laurent occupés par les Etchemins) et l’essentiel de l’Etat du Maine pour la tribu Passamaquoddy;

- Pour les Abénakis, l’ouest du Maine, le Vermont, le New Hampshire, le Massachussetts et le Connecticut.

 

Ces trois grands groupes connurent des guerres intestines avant de s’allier aux Français.

 

Cette alliance commerciale se doubla d’une alliance militaire puisant sa justification au regard de la menace anglaise pesant sur l'intégrité des territoires que ces tribus occupaient.

 

Cette pression s'exerça à deux égards.

 

D'abord sur le plan juridique et à partir du moment où les Anglais obtinrent l’Acadie en 1713 à l'occasion du Traité d'Utrecht[1], ils signifièrent aux tribus indiennes que leurs territoires avaient été cédés par le roi de France au roi d'Angleterre et qu'ils appartenaient désormais à ce dernier, pointant ainsi l'ambiguïté dont avait fait preuve les Français à leur égard[2].

 

Ils répondirent qu’ils n’étaient pas sujets du roi de France et qu’ils ne lui avaient jamais donné les terres dont il se prétendait souverain, estimant que seul l'usufruit des territoires revenait au Français. 

 

Ensuite et quoique très timide au départ, l'installation progressive de colons anglais en Acadie subséquemment au Traité d'Utrecht constitua une pression concrète sur les territoires Micmacs et Malécites, ces tribus expérimentant à leur tour ce que les Abénakis avaient commencé à subir dans le cadre de la colonisation de la Nouvelle Angleterre.

 

C’est peut-être une des raisons pour lesquelles les Malécites et surtout les Micmacs rejoignirent la confédération[3] Wabanaki (« peuples de l’aube » ou du "peuples du levant") à la fin du 17ème siècle qui allait prendre une part active dans les guerres coloniales franco-anglaises, abandonnant leurs guerres intestines.

 

Ainsi, si ces peuples se trouvèrent instrumentalisés par leurs alliés français dans leurs luttes territoriales (les déconvenues amérindiennes furent assez fréquentes à cet égard), leur résistance collective faisait écho à l'emprise grandissante de la colonisation britannique.

 

Au delà de l'aspect stratégique, les Amérindiens cohabitaient pacifiquement depuis plus d'un demi siècle avec environ 2000 des colons français sur un même territoire.

 

Lorsque l'essentiel du territoire passa sous la tutelle anglaise, les circonstances placèrent objectivement les deux populations dans le même camp.

 

Toutefois, l'alliance franco-indienne ne pouvaient être inconditionnelle.

 

Ainsi, ces trois nations surent aussi utiliser les rivalités impérialistes entre Français et Anglais pour prix de leur alliance (demandes plus importantes lors des distributions rituelles de cadeaux par les Français), ou bien dans le commerce (fixation des prix au plus offrant).


[1] Les contours géographiques des nouveaux territoires cédés par les Français étant flous (les Français estiment alors qu'il s'agit seulement de l'actuelle Nouvelle Ecosse péninsulaire), les rivalités franco-anglaises  vont se focaliser sur un conflit territorial en Acadie (le Nouveau Brunswick actuel) qui s'achèvera avec la disparition  de la présence française en Amérique du Nord.

[2] Les Français durent déployer des trésors de diplomatie pour renverser la situation en leur faveur. Bien qu'ils partageaient la même vision que les Anglais sur la souveraineté des territoires amérindiens d’Acadie, ils n’avaient jamais évoqué clairement la question, compte-tenu de leur dépendance militaire et commerciale à l’égard des tribus concernées. (ils répondirent qu’ils n’étaient pas sujets du Roi de France et qu’ils ne lui avaient jamais donné les terres dont il se prétendait souverain). 

[3] Il est probable qu’initialement, cette confédération regroupait les seuls peuples Abénaquis.

Micmacs[1] ou « Souriquois »

 

Les Micmacs occupaient l'ensemble du pays au sud et à l'est de l’embouchure du fleuve Saint-Laurent, qui comprend les provinces maritimes du Canada et la Gaspésie, les colons que l’on dénommerait plus tard «Acadiens » s’étant installés sur leurs territoires.

 

C’était un peuple de pêcheurs et à ce titre, d’excellents marins[2]. Leurs canots étaient aussi adaptés pour la pêche en mer. Ils puisaient par ailleurs leurs ressources de la chasse, qui demeurait toutefois subsidiaire.

 

Leur territoire étant très à l’est les premiers contacts qu’ils eurent avec les Européens sont très anciens et furent liés d’abord à l’industrie saisonnière de la pêche.

 

A mesure que le commerce de la fourrure se développa ils y participèrent activement avec les Français.

 

Compte-tenu de leur position géographique entre les chasseurs du nord et les agriculteurs du sud, ils jouèrent longtemps un rôle d’intermédiaires commerciaux.

 

Leur mode de vie nomade n’entrait pas en concurrence avec les Acadiens qui avaient développé une agriculture prospère en bordure de mer et à l’embouchure des fleuves côtiers grâce aux aboiteaux et occupaient des territoires ne présentant pas d’intérêt particulier pour les Micmacs.

 

Au demeurant, la faiblesse des effectifs de colons français permettait un partage de l’espace sans conflits. Cette alliance était renforcée par des mariages mixtes nombreux entre ces deux populations.

 

[1] Aussi appelés « Tarantines » signifiant « commerçants »

[2] Ils manœuvraient sans difficulté des navires anglais qu’ils avaient arraisonnés au préalable.

indien-acadien-copie-3.jpg

Homme acadien (gravure de J. Grasset de Saint Sauveur "Encyclopédie des voyages" - 1796)

Malécites[1] (Maliseet en anglais)

 

Les Malécites rassemblaient les Etchemins, les Passamaquoddy et les Etéminquois.

 

Bien qu’ayant une langue différente de celle des Micmacs, les Malécites avaient selon Pierre Antoine Simon Maillard, « les mêmes coutumes et manières (et) la même façon de penser et d’agir ».

 

Les deux peuples s’allièrent rapidement aux Français et la loyauté des alliés amérindiens fut renforcée par les conversions au catholicisme et  l’autorité morale exercée par les  missionnaires.

 

Lors des guerres qui se déroulèrent en Acadie sur les territoires dont la souveraineté était contestée, les Anglais accusèrent fréquemment les prêtres - non sans fondement - d’attiser les haines des Amérindiens à leur encontre.

 

Toutefois, les Malécites se tinrent plus à l’écart des conflits anglo-amérindiens que leurs alliés micmacs et abénaquis, refusant par exemple de se joindre au raid micmac contre Canso en 1720.

 

Abénaquis

 

Les Abénaquis se répartissaient entre deux groupes de tribus : de l’Est (Pentagouets, Pégouakis, Canibas, Arosagunticooks) et de l’Ouest (Loups,  Mohicans ou Mahicans en anglais), Penacook, Socoquis, Missisquois) la distinction venant d’une langue légèrement différente.

 

Les Abénaquis de l’Est pratiquaient l’agriculture, bien que moins intensivement que les Iroquois et les Hurons.

 

Les premiers contacts entre Abénaquis de l’Est et Français au début du 17ème siècle furent influencés par les conflits latents entre Abénaquis  et  Micmacs, ces derniers étant déjà alliés aux Français.

 

Ce fut notamment le cas en 1607, à l’occasion de la guerre menée par les Micmacs sous la conduite du Sagamo  Membertou contre ceux que les Français appelaient alors les « Armouchiquois » (rassemblés sous la tutelle du Sagamo Bessabes[2]).

 

Ainsi, les Abénaquis furent au début mal perçus par les Français, Champlain qui les a rencontrés les trouvaient voleurs.

 

En 1613 pourtant, ils assistèrent les Français assiégés par les Anglais dans leur établissement de Saint Sauveur en les aidant à s'échapper.

 

En 1629, ils envoyèrent un émissaire à Québec auprès de Champlain afin d’établir des liens et obtenir une aide contre les Iroquois. Champlain y vit quant à lui l’opportunité de se procurer auprès des Abénaquis l’approvisionnement alimentaire qui faisait défaut à la colonie.

 

La réactivation du conflit entre Français et Iroquois dans les années 1650 va conduire à l’alliance franco-abénaquise, d’abord avec les tribus de l’ouest puis, en 1670 et au moment de la reprise de possession de l’Acadie[3], avec les tribus de l’est, les plaçant du même coup aux côtés des Micmacs et des Malécites.

 

Cette alliance qui s’avérera la plus efficace et la plus durable entre Européens et Amérindiens procédait d’un intérêt partagé.

 

Plus que leurs voisins du nord, les Abénaquis de l’est subissaient l’expansion des colons anglais et le grignotage progressif de leurs territoires, tandis que leurs cousins de l’ouest étaient confrontés aux assauts des tribus de la confédération iroquoise[4].

 

De la même manière, les Français devaient contenir à la fois l’expansion des colonies anglaises vers l’Acadie et les menées iroquoises contre leurs alliés qui mettaient en péril le commerce des fourrures.

 

L’importance de l’engagement des Abénaquis aux côtés des Français et l’intensité du conflit avec les Anglais, conduisit nombre d’entre eux  à se réfugier en Nouvelle France, d’abord à l’issue de la guerre du roi Philip puis lors de la guerre anglo-indienne[5] (1720-1725), et, enfin, à l’occasion de la guerre du roi Georges guerre du roi Georges (1744-1748).

 

Ceux-ci trouvèrent refuge à Bécancour et Odanak sur la rivière Saint François au Québec, où ils demeurent établis actuellement.

 

[1] Se traduit par « ceux qui parlent mal » en langue micmaque ; les Malécites sont aussi appelés la « Nation du rat musqué » par les Micmacs car ils appréciaient particulièrement la chair de cet animal.

[2] L’avantage technologique des Micmacs du fait de leur alliance avec les Français conduisit à la défaite des Armouchiquois.

[3] Alliance consacrée par le mariage entre l’officier français Jean Vincent d’Abbadie de Saint Castin et Pidianske, la fille de Madokawando, sagamo des Pentagouets.

[4] Pour pouvoir commercer directement avec les Néerlandais, les Iroquois vont s'attaquer à leur partenaire commercial privilégié qu'étaient alors les Loups en 1624 (et dont le territoire faisait obstruction au commerce entre Iroquois et Néerlandais). les Loups sont rapidement défaits et les Iroquois entament une relation commerciale avec les Néerlandais et se procurent ainsi des armes qui leur permettront de dominer durablement leurs ennemis.

[5] Appelée également « Dummer’s war »  (du nom du gouverneur du Massachusetts) ou « Lovewell’s war » (capitaine britannique) ou encore « Rasle’s war » (Sébastien Rasles, prêtre français), cette guerre obligera au départ les Abénaquis des rivières Kennebec et Pentagouet (actuel Maine).

Indiens Montagnais

Indiens Montagnais

Innus (Montagnais-Naskapis)

 

De langue algonquienne, les Innus occupent le nord de la rive du Saint Laurent (Montagnais ou « peuple des montagnes » selon les premiers Européens) et l’ouest du Labrador et le nord-est du Québec actuels (dénommés « Naskapis »).

 

Les missionnaires, les traiteurs, les explorateurs, les anthropologues et les historiens ont donné plusieurs noms aux Innus selon les lieux et les périodes : Kakouchaks, Betsiamites, Chisedecs, Papinachois, Oumamioueks (Oumamiouais), Ouchestigouecks, Tadoussaciens, Chicoutimiens, Piekouagamiens, Chomonchouanistes, Nékoubanistes, Naskapis, Papinachois, Porc-épics etc.

 

Adaptés à la rudesse de leur environnement qui ne permettait pas la mise en valeur des terres agricoles, ils développèrent une économie nomade faite de chasse et de pêche, les Montagnais chassant l’Orignal en hiver et les poissons d’eau douce en été tandis que les Naskapis chassaient plutôt le caribou et s’appuyaient sur les ressources de la mer en été.

 

Les Montagnais furent les intermédiaires privilégiés entre les Cris et les premiers européens pour le commerce de la fourrure et eurent pendant longtemps une position commerciale stratégique de première importance[1].

 

En effet, Européens et Montagnais commercèrent pendant près d’un demi-siècle à Tadoussac qui constitua le premier véritable comptoir, sur un ancien point d’échange[2].

 

Cet axe de commerce nord-sud va perdre en importance au profit d’un axe est-ouest, à mesure que les Hurons s’imposent comme les pourvoyeurs essentiels de fourrures des Français.

 

Le commerce de la fourrure généra des conflits entre les différentes nations concernant les territoires de chasse.

 

A cet égard, les Montagnais furent à plusieurs reprises en conflit avec les Sokoki (Abénaquis de l'Ouest) ainsi qu'avec les Agniers (Mohawks).

 

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Localisation des tribus des grands Lacs

 

Les Hurons (dénommés ainsi par les Français) avaient constitué une confédération de cinq peuples à l’instar de la confédération iroquoise, à la fin du 16ème siècle.

 

Au moment où ils entrèrent en contact avec les Français, on estime qu’ils rassemblaient environ 30000 personnes pour un territoire plus petit que celui des Iroquois (à la même époque les Iroquois rassemblaient environ 12000 personnes).

 

Les peuples de la confédération étaient les Attignawantans (« peuplade de l'Ours » considérée comme la nation la plus importante de la confédération), les Attigneenongnahacs (« peuplade de la Corde »), les Arendaronons (« peuplade de la Pierre » qui seront vraisemblablement les instigateurs du commerce avec les Européens), les Tahontaenrats (« peuplade du Cerf » qui seront les derniers à se joindre à la confédération) et les Ataronchronons (« peuplade des Marais »).

 

Peuple iroquoien, les Hurons occupaient un territoire étroit mais très fertile sur lequel, à l’instar des Iroquois, ils développèrent une agriculture importante.

 

C’est à partir de 1615 que l’alliance commerciale avec les Français se met en place. Jusqu’en 1649, une flotille en moyenne de 60 canots menée par 200 hommes descend régulièrement le Saint Laurent jusqu’à Québec pour y échanger les fourrures, l’aller et retour prenant environ 4 semaines.

 

Ce commerce oblige les Hurons à payer un droit de passage aux tribus dont les territoires se trouvent sur le trajet de traite et notamment les Algonquins (ou Kichesipirinis).

 

Cette alliance commerciale et militaire entre les Hurons, les Algonquins et les Montagnais avec les Français s'avéra au début très fructueuse sur le plan économique. Les fourrures en provenance du Nord et de l'Ouest étaient abondantes et d'excellente qualité.

 

A partir de 1632 pourtant, la pression militaire exercée par les Iroquois va conduire à la dispersion définitive des Hurons en 1649, mettant à mal le réseau commercial mis en place, d'autant que l'implication militaire des Français pour préserver la traite se fit tardivement.

guerrier iroquois scalpant

Guerrier iroquois scalpant un ennemi (Jacques Grasset de Saint Sauveur)

Plusieurs raisons expliquent la dispersion de la Huronie et la dislocation de ce réseau.

 

En premier lieu, cette voie commerciale constituait déjà un enjeu conflictuel entre les différentes nations dès le 16ème siècle avec un réseau d'alliances déjà établi (Montagnais, Hurons et Algonquins face aux Iroquois).

 

L'intervention des puissances européennes et le développement d'un commerce intensif aux côtés des Hurons et de leurs alliés raviva les conflits.

 

Dans le cadre de l'alimentation de leur propres réseaux commerciaux avec les Hollandais puis avec les Anglais, les Iroquois étaient particulièrement gênés par la situation stratégique occupée par les Hurons dans le l'approvisionnement de la fourrure vers le nord (baie d'Hudson) et vers l'Ouest, d'autant qu'ils avaient épuisé les réserves sur leurs propres territoires.

 

En second lieu, la question religieuse joua un rôle dans cette situation. Selon Champlain, le développement du commerce devait aller de pair avec l'installation de missions d'évangélisation. D'ailleurs, seules des tribus converties obtenaient les mêmes prix que les Français ainsi que des armes à feu en échange[3]. Pour les Hurons, cette pression conduit à des conversions qui restèrent malgré tout limitées (15% de la population convertie tandis que les convois sont constitué de près de la moitié de Hurons christianisés), empêchant ainsi un armement comparable à celui des Iroquois qui obtinrent des armes à feu en quantité des Hollandais puis des Anglais.

 

Par ailleurs, l'introduction du christianisme a induit des divergences avec les tribus ayant gardé leurs anciennes croyances, sur le plan des  cérémonies traditionnelles mais aussi au regard des alliances militaires.

 

Egalement, la menace iroquoise constante pesait sur la mise en culture des terres ce qui conduisit à des périodes de famines.

 

Enfin, les épidémies en provenance d'Europe eurent un impact désastreux sur les tribus huronnes, tant démographique que social (disparition de chefs et de guerriers à même de souder les alliances et de diriger les guerres).

 

En 1649, la confédération huronne disparut et les survivants de ces guerres se dispersèrent.

 

Certaines tribus furent intégrées aux nations iroquoises, celles-ci ayant - à l'instar d'autres peuples amérindiens -pour pratique de compenser leurs pertes humaines par la voie de l'adoption ou de l'esclavage.

 

Une partie des Tahontaenrats se réfugièrent auprès des Neutres (peuple iroquoien ayant choisi de ne pas intervenir dans les conflits entre Hurons et Iroquois) puis des Eriés et furent définitivement défaits par les Iroquois (Senecas) en 1651.

 

Environ 300 Hurons convertis rejoignirent Québec où ils demeurent installés aujourd'hui (Wendake).

 

Enfin, des tribus Attignawantans se réfugièrent chez les Pétuns (Tionontati) formant un nouveau peuple (Wyandot) et furent rejoints par les Outaouais.

 

Les attaques iroquoises les conduisirent à se réfugier à Green Bay (Wisconsin).

 

[1] A la suite d'un peuple iroquoien (probablement les Hurons) dont le départ de la vallée du Saint Laurent au cours du 16ème siècle ne s'explique pas, les Montagnais occupèrent notamment les deux rives du Saint Laurent au niveau de la ville de Québec qui était déjà un endroit commercial stratégique.

[2] Avant l’arrivée des Européens, Tadoussac constituait déjà un point de contacts et d’échanges entre les nations du sud et les nations du nord.

[3] Les Français eurent moins de scrupules à l'égard des nations indiennes de l'Est, fournissant ces dernières en armes à feu quelque soit la religion des tribus avec lesquelles ils commerçaient. Cette différence vient probablement du fait que le territoire acadien était directement menacé par les Anglais et nécessitait des alliés amérindiens bien armés.

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Chasse aux cerfs chez les Hurons

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Homme et femme Iroquois

Les Iroquois ("cinq Nations" ou encore "peuple de la maison longue")

                                                                          

Fondée au 15ème siècle, la ligue iroquoise était une association de nations iroquoiennes présidée par un conseil de 50 chefs ayant pour vocation à maintenir la paix entre ses différentes composantes et à coordonner les alliances.

 

Selon le système d'alliance amérindien toutefois, il ne s'agissait pas d'un alliance monolithique dans lequel chaque nation liait son sort avec les autres nations confédérées. Chacune poursuivait ses propres intérêts.

 

Par ailleurs, la société iroquoise fut traversée par les mêmes dilemmes liés aux contacts avec la culture européenne. Ainsi, l'intervention des missionnaires parmi les peuples iroquois conduisit à des conversions et, comme chez les Hurons, les relations entre les nouveaux convertis et leurs frères suscitèrent parfois des difficultés[1].

 

Les différentes nations étaient de l'Est à l'Ouest les suivantes :  Mohawks ou « peuple des étoiles » Agniers selon les colons français), Oneidas (ou Onneiout selon les Français), Onondagas (ou onontagués), Cayugas ou « peuple du grand marais » (Goyogouins en français) et Tsonnontouan (Senecas en anglais).

 

L'appellation de la "maison longue" reflétait l’habitation qu’ils occupaient mais également, elle est une métaphore de leur patrie comme une longue habitation géante à cinq foyers, un pour chaque nation. Comme ils occupaient l'extrémité occidentale de la longue maison, les Tsonnontouans étaient appelés les Portiers de la Confédération.

 

Chacune des nations iroquoises parlait une langue distincte, mais tous ces idiomes étaient étroitement apparentés, permettant ainsi une compréhension entre les membres des différentes nations.

 

Les Tuscaroras rejoignent les cinq Nations en 1722 pour former les six nations.

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Défaite des Iroquois et de leurs alliés face aux Français (par S. Champlain)

Les guerres qui mirent aux prises les tribus iroquoises et les Français ainsi que leurs alliés connurent plusieurs modalités.

 

Les Iroquois développèrent une politique de blocus sur l'axe de circulation des marchandises (blocage de la rivière Outaouais[2] en 1643) ainsi que des raids pour s'emparer des convois.

 

Forts des armes obtenues grâce à la compétition entre leurs alliés européens, ils s'attaquèrent aux Wenros en 1638 qui se réfugièrent chez les Hurons leurs alliés.

 

Dans les mêmes années, ils repoussèrent les Algonquins au nord de la rivière des Outaouais et les Montagnais vers le Bas Saint Laurent, tandis que les Français fondaient Montréal afin de raccourcir le trajet des fourrures.

 

En 1645, un premier traité de paix fut conclu entre les Français et les Iroquois. Ces derniers comptaient pouvoir négocier avec les Hurons des liens commerciaux.

 

En vain. La dispersion de la Huronie s'engagea alors directement puis se prolongea par deux conflits d'abord contre les Neutres qui avaient accueillis certaines tribus huronnes et contre les Eriés.

 

Dans les années 1680, la confédération iroquoise atteignit son apogée qui fut entamée par la deuxième guerre franco-iroquoise au cours de laquelle, les Français portent des coups sévères en territoire iroquois. Après 1701 et la paix conclue avec les Français[3], la ligue sut gérer habilement ses relations avec les Anglais et les Français.

 

Paradoxalement, les guerres iroquoises consolidèrent la cohésion des colons et de leurs alliés. Indirectement, la dispersion de la confédération huronne, permit aux Anglais de prendre pied commercialement dans la Baie d'Hudson tandis que les Français développèrent leurs propres réseaux et leurs territoires vers l'Ouest en Louisiane.

 

[1] Les traditionnalistes n'eurent de cesse d'expulser les missionnaires tandis qu'un nombre important d'Agniers convertis rejoignirent délibérément les missions de Sault Saint Louis et de Montréal

[2] La rivière des Outaouais constituait le seule chemin praticable étant donné que l'hostilité des Iroquois empêchait de prendre une vois plus rapide.

[3] Pour les Iroquois, il importe de mettre un terme à un conflit coûteux en hommes (entre 1688 et 1698, la moitié de leurs forces pourrait avoir péri) mais aussi de se préserver contre l'emprise que les Français ont développé sur le pays d'En Haut et sur ce que l'on appellera la Louisiane, grâce à de nouvelles alliances avec les Outaouais et les Miamis.

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Localisation des tribus Algonquines

algonquins-selon-champlain.jpg

Indiens Algonquins selon Champlain

Les Algonquins ("Anishinaabeg" ou "vrais hommes")

 

Le nom d'Algonquin (ou "Algoumequin") fut attribué par Champlain aux peuples vivant sur un vaste territoire au nord des grands Lacs, soit la vallée de l’Outaouais, de Montréal jusqu’à l’île aux Allumettes (nommée «Isle des Algoumequins » par les Français).

 

Ce petit territoire insulaire leur permettait de maintenir le contrôle sur la rivière Outaouais ("Kichesipi ou la Grande Rivière") et de s'assurer des droits de péage sur la traite.

 

Culturellement et linguistiquement, ils étaient proches des Ottawas (Outaouais) et des Ojibwés (ou "Saulteux").

 

Samuel de Champlain a identifié six groupes d’Algonquins lors de ses voyages: les Weskarinis ("ceux de la Petite Nation), les Onontchataronons ("nation d’Iroquet"), les Kichesipirinis ("Algoumequins") dont la richesse provenait des droits de péages perçus, les Mataoueskarinis, les Kinouchipirinis et les Otaguottouemins.

 

Les Algonquins étaient des chasseurs cueilleurs semi nomades, nombre d'entre eux hivernant en Huronie. En dehors du poisson et de la viande, Ils récoltaient des baies et des plantes sauvages et pratiquaient un peu l’agriculture.

 

Alliés aux Hurons, ils furent impactés par les guerres menées par les Iroquois et durent quitter leurs territoires ancestraux. Ainsi, les Mataoueskarinis s'enfuirent jusqu’à la baie James entre 1647 et 1672 pendant le plus fort des guerres iroquoises.

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Carte des nations indiennes du Pays d'en Haut (Guillaume Delisle 1718)

carte-des-indiens-des-pays-d-en-Haut.jpg

Carte des nations indiennes des Grands Lacs

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